Il y a un monde fou ce soir, au Korakuen Hall. Toute la ville semble s’être donné rendez-vous dans la salle, pour assister à une confrontation que les amateurs de boxe de l'archipel attendent depuis des mois. Joe Yabuki contre Tooru Rikiishi, une lutte acharnée entre deux impétueux bagarreurs élevés dans la rue.

J’arrive juste à temps pour les voir entrer sur le ring, sous les cris d’un public chauffé à blanc! Ils ont fière allure, ces deux gamins! Et dire qu’il y a encore quelques semaines, c’est dans un centre de détention qu’ils s’affrontaient, parmi les escrocs et les yakuzas.

Prêts à en découdre, les deux héros de la soirée se saluent, et le gong retentit!! Le combat démarre sur les chapeaux de roues, par un violent échange de coups. Ce n'est peut-être pas le meilleur ce soir, mais Yabuki rayonne par sa présence. Et j’en ai vu beaucoup, des combattants magnifiques. Des ninjas, des pirates, des Saïyens. Tous plus puissants, plus nobles, plus héroïques. Mais celui là est spécial. Multipliant les coups bas, au mépris de toute règle, il ne se bat pas pour un idéal ou pour le bien, seulement pour lui ! On peut lire une détermination sans faille dans ses yeux. Sur le ring, il semble enfin avoir trouvé un but à son existence et rien ne saurait le détourner de l'art noble. Est-ce pour cela qu’il continue de vivre dans la pauvreté malgré sa notoriété grandissante et qu’il s’entraine sous un pont branlant avec ce vieil ivrogne de Tange, lui qui aurait pu choisir un club à la mesure de son talent ?

Le public assoiffé de sang gronde ! La prestation ne semble pas à son goût. Il veut plus de spectacle! Mais dans un coin de Korakuen Hall, un petit groupe continue d’encourager Yabuki. Ce sont les habitants du quartier des doyas, ce repaire d’ivrognes, de mendiants et de travailleurs pauvres ou Joe a élu domicile.

En dehors des combats, j’aime me promener dans ce quartier atypique. J’y croise parfois Joe en pleine séance de course à pied, avant de m’arrêter manger un bol de Soba chez l’un de ces vendeurs ambulants du parc Tamahime et de faire mes courses dans l’épicerie du coin. Le temps de me faire servir, j’aperçois Taro et sa bande de gamins chapardeurs faire les quatre-cents coups tandis que leurs parents s’avinent sans se soucier de leur progéniture. Joe le bagarreur est devenu malgré lui un symbole dans ce quartier malfamé de Tokyo, une preuve qu’un moins que rien peut tutoyer les sommets. Mieux, le temps d'un match, il permet à tous ces marginaux d’échapper à leur misère comme à moi d’oublier ma morne existence.

Le gong retentissant me tire de mes pensées. La partie reprend ! Et ça s’emballe, les échanges directs se multiplient, Yabuki semble acculé par Rikiishi, le KO est proche, la foule autour de moi l’a bien vu, et tente d’encourager son champion. Joe esquive avec un superbe retrait du buste, il ne s’avoue pas battu, il ne le fait jamais. Un direct, un jab, le fou, il boxe sans garde ! Il guète la moindre ouverture dans la défense de son adversaire. S’apprête-t-il à sortir son fameux contre croisé ? Non! Tooru ne lui en laisse pas l’occasion et l'atteint le premier, laissant son adversaire au sol. L’arbitre compte mais le public a déjà compris. Joe ne gagnera pas, pas cette fois. Il s’est pourtant bien battu le bougre, mettant son adversaire dans un bien piteux état.

Ils ont tout donné, et l’on voit d’ailleurs dans leur regard un profond respect doublé d’une immense satisfaction, comme s’ils s’étaient libérés de tous leurs différends une fois entrés sur le ring.

Le match est terminé, mais le hall ne semble pas vouloir désemplir. Le voyage s’achève ici pour moi, mais je reviendrai voir Yabuki au Korakuen. Non pas que j'apprécie particulièrement le spectacle de deux types se mettant sur la gueule, mais je ne sais pas, ce gosse est différent. Moi qui n’ai jamais eu à me battre pour quoi que ce soit, j’attendais simplement du divertissement. Joe m’a donné bien plus…

Après ce que j’ai vécu ce soir, je ne regarderai jamais plus la boxe de la même façon....
LâneFourbu
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le 30 nov. 2012

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L'âne fourbu

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