Azumi
7.6
Azumi

Manga de Yuu Koyama (1995)

La vie d'assassin n'est pas une sinécure

Note préliminaire : cette critique ne porte que sur les volumes 1 à 13 d'Azumi.


J'ai longtemps hésité à me lancer dans les mangas pour une multitude de raisons que je vous épargnerais ici, mais il fallait bien se lancer un jour dans ce vaste univers qui est à l'origine de beaucoup d'animes que j'ai vus et appréciés au fil des ans. En la matière, Azumi fut une bonne introduction au genre qui m'a permis de découvrir ce qu'offraient les mangas par rapport aux animes en matière de narration. Voyons donc ce que cette oeuvre a dans le ventre.


Je n'ai pas lu les 48 volumes que comprend l'oeuvre (la traduction n'en est qu'au treizième volume), mais après une bonne centaine de chapitres que j'ai dévorés d'une seule traite je dirais qu'Azumi a deux grandes qualités qui m'ont tout de suite convaincu : l'évolution psychologique de l'héroïne éponyme tout au long des volumes et la description très réaliste de ce qu'est un pays en guerre à la fin du Moyen-Age. Je vais développer chacun de ces deux points dans la suite de cette critique.
Beaucoup d’œuvres longues perdent de vue leur propos initial en s’appesantissant sur des sous-intrigues pas toujours pertinentes. C'est un défaut que l'on peut observer dans bien d'autres médias : dans les animes bien sûr (la première série Naruto et ses fillers à répétition est un excellent exemple de cette réalité), mais aussi dans certains mangas que j'ai lus avant de m'attaquer à cette épopée médiévale. Ici, du premier chapitre à la fin (dans mon cas, le chapitre 106), l'auteur fait preuve d'une très grande constance. Le thème central, c'est avant tout la vie d'une enfant-soldat conditionnée dès son plus jeune âge à devenir un assassin professionnel entièrement vouée à servir les Tokugawa. Le premier chapitre plante d'ailleurs très bien le décor avec un premier twist qui m'a rappelé d'un certain point de vue l'éducation des jeunes spartiates dans la Grèce antique. Un bon assassin, c'est d'abord quelqu'un qui est prêt à égorger son meilleur ami sans la moindre hésitation.


Evidemment, Azumi évolue au fil du temps. La grande force de l'oeuvre est de rendre cette évolution très progressive, et donc naturelle. En effet, au fil des missions horribles que doit remplir notre vierge de la mort, elle commence à prendre conscience que quelque chose ne tourne pas rond au royaume des Tokugawa et que qu'Obata Gensai - qui n'est autre que le grand-père adoptif, le sensei et le donneur d'ordres d'Azumi - ne dit pas forcément la vérité au sujet du monde extérieur. Je ne vais rien révéler, mais notre héroïne accomplit des meurtres vraiment sales au fil de l'histoire qui feraient d'elle un magnifique antagoniste dans n'importe quelle autre oeuvre de fiction. Ces meurtres, si on les combine à la perte progressive de tous les êtres chers qui ont grandi avec Azumi au fil des années, créent un vide autour de l'héroïne qui rend son évolution psychologique très crédible.


J'en viens ainsi à la deuxième grande qualité d'Azumi en tant que manga "historique" : la pertinence de la description des réalités de la guerre dans le Japon de la fin du Moyen-Age. En l’occurrence, l'histoire se déroule dans le climat chaotique qui suit le triomphe de Tokugawa Ieyasu après la bataille de Sekigahara (1600). Au-delà des considérations géopolitiques - qui sont toutefois présentes - l'oeuvre montre très bien que la guerre n'est pas une question de "gentils" et de "méchants". Azumi doit assassiner pour le compte des soit-disant "pacifistes" Tokugawa des hommes qui ne feraient pas de mal à une mouche. Le manga fait la part belle aux antagonistes de circonstance qui ne sont assassinés par Azumi que parce qu'ils ont eu le malheur de se trouver dans le mauvais camp. J'ai beaucoup aimé cette volonté de l'auteur de refuser le manichéisme en montrant à de nombreuses reprises l'absurdité de la guerre. Même les authentiques "méchants" de l'histoire sont suffisamment bien construits pour que l'on comprenne pourquoi ils cherchent à un moment donné à utiliser ou à tuer notre maîtresse du meurtre pour satisfaire leurs intérêts personnels.


Je pourrais dire bien d'autres choses au sujet de cette oeuvre aussi dense que longue, mais ce serait gâcher le plaisir. Une grande partie de la force d'Azumi réside dans ses nombreux twists qui rendent l'action tout simplement impossible à anticiper. Comme n'importe quel personnage en dehors de l'héroïne peut mourir à n'importe quel instant, cela donne une oeuvre très sombre qui m'a fait bondir de ma chaise à plusieurs reprises. Pas de résurrection dans Azumi : ici, quand on meurt c'est définitif. Pour ce qui concerne l'aspect graphique, j'ai été particulièrement impressionné par les scènes de combat. Nombreuses, elles rendent bien compte de la sauvagerie du style de combat d'Azumi et cela ne fait que renforcer le charisme d'une héroïne qui est décidément seule contre un flot intarissable de ronins plus ou moins décérébrés toujours prêts à en découdre. C'est assez jouissif à voir et cela correspond parfaitement à l'ambiance générale de cette oeuvre qui n'hésite pas à montrer la guerre telle qu'elle est. Non décidément, la vie d'assassin n'est pas une sinécure. Par contre, c'est très divertissant à lire.

Aegir
8
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le 9 sept. 2015

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