« Je hais cette arme, je hais ce métier, je reprends l’entrainement »

Alors que durant les années 1980 le temps est au retour aux origines des grands personnages de DC avec de nouveaux points de départ, la décision est prise d’actualiser les origines de Batman en restant très fidèle au matériau d’origine, si efficace, si connu, si apprécié. C’est Frank Miller qui se charge de ce travail alors qu’il venait de rencontrer un très grand succès avec Batman The Dark Knight Returns. Alors que je connais encore que peu son travail lors de ma première lecture de ce comics, je présumais déjà beaucoup l’apprécier de par ce que j’avais pu en entendre. Mes attentes étaient donc assez grandes alors que ce comics est celui avec lequel j’ai décidé de démarrer ma lecture des aventures de Batman en bande-dessinée. Pour information, j’ai lu l’édition d’Urban Comics datant de 2020 qui regroupe donc les 4 numéros du récit ainsi que quelques bonus.


Si le scénario original est grandement respecté, Frank Miller y insuffle le ton si noir dont il a le secret et que j’adore au sein d’une ville de Gotham corrompue jusqu’à la moelle. Une fois la première illustration passée, montrant l’image forte d’un jeune Bruce Wayne à genoux devant les cadavres de ses parents, Jim Gordon représente parfaitement cet état d’esprit à travers ce personnage aux intentions louables mais d’un cynisme absolu dès ses premiers dialogues, infidèle envers sa femme enceinte malgré l’intégrité dont il veut se revendiquer… Son personnage est l’un des arcs narratifs les plus réussis et aboutis de ce tome à mon goût.


Pour en revenir à notre homme chauve-souris, j’apprécie le choix du premier gadget original utilisé par Batman, un appareil appelant une nuée de chauve-souris agressives en renfort, permettant d’appuyer le symbole de la chauve-souris dans l’identité visuelle de l’univers. Par contre, les premiers échecs de Batman ont une allure un peu pathétique par moments et je ne suis pas sûr d’adhérer à ce choix. Je comprends très bien l’intention de marquer une courbe de progression pour le personnage qui en est encore à ses débuts, qui teste sa combinaison pour la première fois sur le terrain…


Néanmoins, plus d’une fois j’ai eu le sentiment de voir un Batman indécis et imprécis, manquant presque de se faire avoir par des flics et bandits quelconques et ça m’a un peu gêné par rapport à comment le personnage est caractérisé habituellement. C’est justifié de par le fait que ce sont ses débuts, mais j’aurais trouvé plus pertinent de le rendre victorieux de ses affrontements et mis en échec face à un adversaire plus coriace, à l’image de Catwoman par exemple. Introduite assez subtilement et de façon très mature, elle n’a finalement qu’un impact minime sur le récit et c’est bien dommage.


On sent bien que Année Un n’est qu’un prologue, posant des brides d’intrigue que l’on retrouve d’une manière ou d’une autre dans d’autres séries, la rivalité avec Catwoman, la menace du Joker… mais seules la naissance de l’amitié entre Gordon et Batman et la montée en puissance de Batman par son costume sont réellement abouties. Comme l’auteur et le dessinateur n’ont jamais travaillé à une suite directe, je trouve que c’est une fin trop vite arrivée et trop ouverte qui s’offre à nous, de la même manière je n’ai pas du tout ressenti toute une année passée tant le rythme est frénétique.


Quittes à rester sur ces même ambitions, j’aurais presque préféré qu’ils se concentrent exclusivement sur Gordon et Wayne sans évoquer d’autres personnages cultes de l’univers, sinon j’aurais préféré plus de numéros pour développer davantage tout ça et clore un peu plus les intrigues. Mais tout ceci n’est jamais qu’une réflexion personnelle et le choix opéré par Franck Miller reste majoritairement cohérent, raison pour laquelle je n’en tiens pas plus rigueur que ça même si c’est ce qui joue sans doute le plus dans ce qui limite mon appréciation.


Quant à la forme, les dessins sont confiés à David Mazzucchelli dont c’est le premier travail notable, une belle opportunité en début de carrière, et je les ai plutôt bien apprécié. On retrouve des planches intégralement dédiées à la mise en avant d’un personnage au premier-plan, icônisant sa tenue et sa posture, ce qui n’est pas négligeable dans un titre supposé présenter pour la première fois ses personnages. On a une utilisation du noir très prononcé avec soit les silhouettes tout de noir sur un fond principalement d’une couleur, soit le décor très sombre avec une couleur dominante sur les personnages notamment, ce qui offre des contrastes très prononcés que je trouve très réussis.


L’aspect lugubre est très bien retranscrit par les dessins des visages aux expressions si sinistres, la saleté dépeinte un peu partout... mais les décors supposément plus chaleureux en opposition sont quant à eux assez moyens, partant rapidement dans des amas de couleurs vives assez hideux comme lors du dîner mondain avec le commissaire, heureusement ils sont peu nombreux. Le trait peut manquer de détails et de finesse par moment mais vu les réussites esthétiques dans l’ensemble, je retire plus de positif que de négatif de ces dessins.


Année Un est pour moi une petite réussite visuelle et scénaristique qui arrive bien à établir les origines de Batman, de Gotham et de l’amitié avec Gordon, mais qui ne va pas au-delà. L’intrigue en elle-même n’essaiera pas de surprendre, ne montre que peu de grandes scènes d’actions, ne développe pas plus que ça ses intrigues parallèles… C’est une chouette introduction dont j’attendais, peut-être à tort, encore plus mais qui constitue bien une porte d’entrée très sympathique de l’univers de Batman.

damon8671
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le 10 mai 2021

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