Ce tome fait suite à Batman - The dark prince Charming 1 qu'il faut avoir lu avant car les 2 tomes forment une histoire complète. Il est initialement paru en 2018, écrit, dessiné, encré et mis en couleurs par Enrico Marino. Il est également l'auteur de la série Les aigles de Rome, ainsi que le dessinateur des séries Le Scorpion avec Stephen Desberg, et Rapaces avec Jean Dufaux.


Neuf ans auparavant, Bruce Wayne (un peu amoché) allait prendre un verre dans un bar, le Lucky 7. La jolie serveuse, Mariah Shelley, avait remarqué son œil poché, et l'avait identifié. Elle avait accédé à sa demande de ne pas crier son nom sur les toits et de lui servir un remontant, tout en lui indiquant qu'elle finissait dans une heure. Au temps présent, Batman, toujours obsessionnel, se livre à course-poursuite en moto, derrière Jester Kidd et son gang, eux aussi à moto. Il ne tarde pas à en éliminer 4 et à arracher Jester Kidd de sa moto, en lui faisant frotter son casque sur le bitume tout en continuant à rouler à fond les ballons, et à lui poser des questions sur où se trouve Joker. Jester Kidd clame son ignorance tant qu'il peut au point de réussir à convaincre Batman qui n'est pas plus avancé, et toujours aussi désespéré de retrouver la petite fille Alina, enlevée par Joker. Dans son repère, ce dernier est en train de jouer un air de Sergueï Rachmaninov (1873-1943). Il est interrompu par Harley Quinn qui l'appelle à table, cette dernière étant dressée sur son corps nu, avec un menu composé de Sushi de type Makizushi. Agacé d'avoir été interrompu, il ignore son appel, s'en va ailleurs et la laisse avec ses sushis sur son corps.


Archie le clown est allé porter le rab de sushis à Alina, toujours prisonnière dans une grande pièce souterraine. Elle laisse causer le clown et finit par flanquer un grand coup de pied dans le plateau qu'il porte, prend ses jambes à son cou et s'enfuit par la porte laissée grande ouverte. À l'hôpital Memorial, Bruce Wayne se tient devant Mariah Shelley, toujours dans le coma. Au sortir de l'hôpital, il refuse de répondre aux questions de la presse qui l'interroge sur sa relation avec Mariah et sur sa paternité présumée. Masqué sous un parapluie, Joker observe la scène en ricanant. Puis il se lance dans un pas de danse sous la pluie, et abat froidement un policier d'une balle dans la tête. Alina se voit interrompue dans sa fuite par Harley Quinn qui s'interroge sur ce qu'elle va faire d'elle. Bruce Wayne a accepté de se rendre seul au rendez-vous fixé par Joker au Lucky Seven pour discuter de la rançon d'Alina. Joker lui explique qu'il veut que Wayne achète le diamant appelé le Chat Bleu, mis aux enchères à 50 millions de dollars.


Le premier tome n'avait pas forcément convaincu le lecteur : histoire très linéaire et basique, possibilité d'une fille dont Bruce Wayne ignorait l'existence, et dessins pleins de belles postures mais dans une forme de spectaculaire très calculé. Malgré tout, l'auteur proposait une vision de Batman personnelle dans son approche graphique et cohérente au sein de son histoire. Curieux de connaître le dénouement, il se plonge dans le deuxième tome. La scène d'ouverture montre Bruce Wayne en train de consommer de l'alcool et s'adonnant probablement au coup d'un soir parce qu'il fallait bien qu'il ait sa potentielle fille d'une manière ou d'une autre. La troisième séquence montre Joker au piano en train de jouer du Rachmaninov avec Harley Quinn plus provocatrice que jamais, capricieuse plus que sulfureuse, allumeuse plus que séduisante. De ce point de vue, Enrico Marini est cohérent avec lui-même et avec la vision de Batman qu'il a dépeint dans le premier tome. Entretemps, le lecteur en a pris plein les mirettes avec la course-poursuite en moto débordant de testostérone et de violence sadique. Le lecteur ne peut pas résister à la tentation de faire en sorte que Batman soit blessé, y compris par une fine épée dont la lame s'enfonce d'une bonne quinzaine de centimètres dans un espace intercostal, blessure qui ne dérange que vaguement le chevalier noir, comme s'il disposait d'un pouvoir auto-guérissant, pas aussi rapide que celui de Wolverine, mais déjà assez performant pour éviter que cette blessure ne le paralyse ou ne le tue.


Durant ces 66 pages, Enrico Marini s'en donne à cœur joie sur le plan visuel. Le spectacle commence dès la première page, avec ce bar coincé sous une ligne de métro aérien. Ça continue fort tout du long du récit avec une vue ciel de Gotham, une grande halle avec une structure métallique (même si la disposition des poutrelles peut faire tiquer), les rues Gotham sous la pluie et la lumière blafarde des réverbères, une splendide salle avec une hauteur sous plafond monumentale pour la vente aux enchères du diamant, une rambarde en fer forgé sur laquelle Catwoman fait des cabrioles, la vue extérieure d'une centrale désaffectée, ou encore le gigantesque sapin de Noël dans la grande salle du manoir des Wayne. L'artiste se fait tout autant plaisir avec les personnages : un Batman massif rendu encore plus imposant par son armure, un Joker fantasque se lançant dans un Dansons sous la pluie très réussi, un Joker travesti en femme à la séduction troublante, une Catwoman pleine de grâce dans ses acrobaties. Bien sûr, le lecteur peut là encore détecter une hésitation entre une volonté de rester dans un registre réaliste (par exemple le combat de Batman contre les hommes de main de Joker) et une volonté esthétisante en dépit du réalisme (à commencer par les talons hauts de Catwoman, et les tenues provocantes d'Harley Quinn). Marini aime bien aussi jouer avec les expressions du visage du Joker en les exagérant un tout petit peu pour montrer leur intensité et la rapidité déconcertante avec laquelle Joker passe d'un état d'esprit à un autre, sans transition.


Le lecteur se laisse emmener par le rythme de la narration visuelle et par sa richesse dans une intrigue cousue de fil blanc : Joker exige de Wayne qu'il lui apporte le diamant le Chat Bleu. Catwoman s'en mêle parce qu'elle veut le même diamant. Harley Quinn fait tourner Joker en bourrique. Archie le clown perd de son importance et de sa personnalité au fil des pages, pour devenir insignifiant. Batman / Bruce Wayne devient de plus sombre et focalisé sur son objectif. Harley Quinn devient de plus en plus pimbêche. Tout ce beau monde s'affronte dans une scène finale. Il reste la question de la parenté de Bruce Wayne que l'auteur résout de manière satisfaisante, même s'il y répond avec malice. Le lecteur se laisse surprendre par la personnalité d'Alina Shelley, pensant tout d'abord que Marini exige un peu trop de suspension consentie d'incrédulité, puis découvrant une explication cohérente avec le récit. Le scénariste résout son intrigue de manière satisfaisante, avec une possibilité d'un match retour pour Joker comme dans les comics.


Est-ce que le lecteur a adapté son horizon d'attente vis-à-vis de ce deuxième tome en fonction de ce qu'il avait trouvé dans le premier ? Peut-être, mais pas seulement. Il se rend compte qu'Enrico Marini a trouvé son rythme narratif rapide, sans être épileptique et qu'une fois emporté par le rythme, il s'accommode bien de la fantaisie de l'auteur. Il peut reprocher à Enrico Marini de ne pas respecter le caractère de Bruce Wayne et ses valeurs, de ne retenir de Batman que son costume, sa grosse moto et ses capacités de combattant physique. Ce n'est pas forcément le personnage auquel il s'attend pour Batman. Dans le même temps, Enrico Marini s'implique totalement dans la narration visuelle, citant des influences cinématographiques de manière discrète, et proposant des scènes d'action spectaculaires bien mises en page. Certes Batman se conduit comme un gros bourrin dans la course-poursuite à moto, mais celle-ci présente un vrai panache, avec une dynamique brutale rentre-dedans. Certes Catwoman réalise ses acrobaties avec des talons hauts plus propices à la cheville tordue qu'à la réception, mais le déroulement de son affrontement physique emmène le lecteur dans des mouvements qui s'enchaînent avec logique et des acrobaties à couper le souffle. Certes Batman continue de se conduire en gros bourrin en percutant le mur de la centrale avec sa grosse Batmobile cuirassée, mais les 4 pages d'affrontements physiques qui s'en suivent montre un combattant massif et brutal qui ne fait pas de cadeau et qui obtient des résultats.


Ce deuxième tome continue le récit dans la lignée du premier, avec une interprétation de Batman plus tape-à-l'œil que fidèle à l'esprit du personnage, plus brutal que réfléchi, fonçant dans le tas jusqu'à temps d'obtenir des résultats. Mais au fil des pages, il devient patent qu'Enrico Marini est tout entier dans son interprétation du personnage, cohérent et impliqué. Le lecteur peut déceler les éléments visuels spectaculaires autour desquels les séquences sont construites, ce qui ne les empêche pas de présenter une réelle cohérence du début jusqu'à la fin. Il se rend compte qu'il apprécie progressivement cette interprétation pas très sophistiquée du point de vue psychologique ou de l'intrigue, mais fougueuse du point de vue visuel.

Presence
9
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le 18 juin 2019

Critique lue 1.2K fois

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