Attention les yeux car Blacksad, le détective privé
mélancolique désabusé, débarque en intégrale pour
nous en mettre plein la vue ! Blacksad, donc, est un
monument de la BD contemporaine. Petite séance de
rattrapage pour celles et ceux qui auraient manqué le
train de l’une des BD les plus ambitieuses d’un point
de vue graphique de ce début de millénaire.
Blacksad c’est un style. Ambiance roman noir. Un
détective privé dans son grand imperméable, descend
des verres de scotch entre chaque interrogatoire et ne
quitte jamais sa cigarette. Blacksad, c’est un
personnage principal d’une classe absolue. Tour à
tour tombeur de ces dames, défragmenteur de boites
crâniennes récalcitrantes, ami fidèle et chevalier triste
au grand coeur, John Blacksad fait référence en
matière de héros subversif. Grâce à une ambiance
toute cinématographique, on rentre immédiatement
dans le fantasme du cœur constitutif de l’Amérique.
Celle des bas fonds, celle que le rêve américain a
oublié. A travers cinq aventures nous faisant traverser
des époques et des thématiques fortes (Blues à la
Nouvelle Orléans, McCartysme à New-York…),
l’invitation de voyager est lancée. On attrape des
scénarios ciselés, des ambiances ténébreuses et des
voix off en adéquation parfaite avec l’image. Blacksad
secoue les nerfs, avive nos membres de mouvements
fluides, chaque dessin (colorisés à l’aquarelle)
rendant cette impression que les personnages ne sont
jamais figés (Guarnido venant de l’animation). On bouge avec eux, on se faufile tel un félin
dans des décors tous plus fantastiques les uns que les
autres et on enquête avec une agilité particulière dans
les recoins sombres de personnages iconoclastes.
Parlons en d’ailleurs des personnages ! Il s’agit ici
d’animaux anthropomorphes tous plus vrais que
nature. Chacun révélant le caractère intrinsèque du
protagoniste. Blacksad ? Un chat, bien sûr, qui sent le
coup arriver, est sur ses gardes, à l’affût. Son « adjoint
» fureteur journaliste ? Une fouine qui met son museau
là où il ne devrait pas. Et le commissaire droit dans ses
bottes ? Un berger allemand, vrai-faux ami du chat.
Chacun a son caractère, oui, mais aussi l’attitude, le
geste, le regard, tout est d’une cohérence absolue
pour soutenir l’enquête et le rythme propre à celle-ci.
Les dialogues, véritables joutes verbales, chantent
quand il le faut, les silences pèsent et jettent un voile de
noirceur sur les dynamiques scénaristiques.
Blacksad est un régal visuel, une véritable orgie de
classe, de bon goût, de personnages mauvais, hautains,
attachants, sensuels, inconscients, adorables,
détestables… donc… terriblement humains.