Un manga inventif et influent avec un traitement pas toujours top pourtant

Mon avis peut sembler pouvoir se fondre dans la masse, puisque la fin de ce manga-fleuve fait rager pas mal de monde et vaut à ce manga une note moyenne mitigée eu égard à son énorme succès.
Mon avis ne se fonde, pour l'instant, que sur les premiers tomes. J'ai fait des sondages plus loin dans le manga, mais je possède les premiers tomes et, pour des raisons financières, c'est une série que je ne prévois pas de poursuivre. J'ai l'histoire en animé en 366 épisodes sur ADN, par exemple, je vais m'en contenter et acheter d'autres mangas.
Le manga Bleach est quand même particulier. Le début de l'histoire est assez fascinant. D'ailleurs, même si aujourd'hui, la fin du manga retourne dans l'obscurité, Bleach a été à l'origine de séries qui ont suivi, en particulier avec le fait troublant de Noragami et Rinne qui ont un fort prétexte scénaristique en commun, mais qui tous deux derrière sont des enfants de Bleach. Noragami est une histoire agréable et, premier manga à gros défauts de l'autrice, Rinne vient de la plume de Rumiko Takahashi et l'influence de Bleach est revendiquée, en particulier le nom "Ichigo" vers la fin du manga et les cheveux du héros qui valent référence explicite. Il y en a eu d'autres des mangas d'exorcistes inspirés par Bleach. Ju Jutsu Kaisen est très clairement un nouveau Bleach et dans l'adaptation en animé le générique de fin de la saison 1 actuelle de Ju Jutsu Kaisen fait clairement écho au générique d'ouverture de la saison 1 de Bleach dans le style, ce qui permet sur la bande de vérifier que Ju Jutsu Kaisen veut faire revivre l'épopée de Bleach sous une forme rafraîchie, renouvelée.
Le récit de Bleach est farfelu, avec une forte composante parodique. La "Soul society" imite notre monde moderne dans son fonctionnement, ce qui est source de divers gags. La mise en place de l'intrigue est très bonne. Le héros a un fort pouvoir spirituel et ce pouvoir commence à ne plus être dissimulé, à jaillir spontanément de son corps. Cela a déjà attiré des démons quand il était jeune et a eu des conséquences sur son enfance et sa vie, mais là il est face à un démon qui organise tout dans l'ombre et en contrôle plusieurs, tandis que la Soul Society a ses conflits, rivalités, lois, etc. Et on entre dans l'intrigue par petites étapes avec un suspense bien ménagé et une capacité à avoir une histoire qui tienne longuement en haleine le lecteur.
Le héros devient un shinigami et là encore c'est bien scénarisé, il va du coup être en duo avec une shinigami et on a des raisons imparables pour justifier qu'il soit à deux et que notre héros passe de shinigami malgré lui à shinigami volontaire.
L'autre truc, c'est c'est que seuls certains personnages voient les esprits et les démons, certains tout-à-fait, d'autres ne font plutôt que les pressentir vaguement. Là encore, on a un bon dispositif, et l'effet de surprise lié à la révélation de ce dispositif est bien mise en avant dans la scène gag du premier épisode où le héros règle leurs comptes à trois gars irrespectueux d'une offrande à une morte récente. On découvre progressivement que, derrière le respect dû aux morts, Ichigo a un contact avec l'esprit de la fille que n'ont pas les trois autres.
Maintenant, il y a des points qui me font quand même tiquer. Les gags familiaux ne sont pas très efficaces. Le père saute sur son fils pour l'agresser. Une des deux filles tape sur son père quand il est trop gaga. J'ai du mal avec ces gags qui sortent de nulle part selon moi.
Autre point sur lequel je tique énormément, c'est le géant baraqué qui sauve un oiseau (possédé par l'esprit non maléfique d'un enfant mort). On a déjà Ichigo qui a une force peu humaine à certains moments, et là on nous fait un doublon mal ajusté dans l'ensemble, j'ai trouvé ça très con et très mal conçu. Cela me sort de l'histoire, parce qu'on est dans le "il suffit de dire que tel personnage a telles caractéristiques de ouf, et puis de dire que celui-là aussi, même si c'est son voisin, et que ça commence à être gros". Je n'ai pas aimé du tout l'introduction de ce personnage, et donc je critique bien la conception du début du manga.
J'ai aussi un problème avec le croisement des deux plans de la réalité, j'ai failli dire "deux mondes" ce qui serait peut-être plus clair. En effet, le héros d'abord avec son énergie ensuite parce qu'il est devenu shinigami a une inscription dans notre monde et en même temps il voit les interférences des démons ou bien peut aller dans le plan de réalité des démons et shinigamis. Mais, au début de l'histoire, Ichigo est un gars qui voit juste des esprits fantômes que les autres ne voient pas. Il n'y a pas de récit sur les destructions à droite à gauche de bâtiments. Et c'est un gros problème de cohérence du manga de voir tous ces combats avec plein de destructions qui s'enchaînent. On a des immeubles détruits. Certes, la population n'a pas vu le combat des shinigamis contre les démons, ni les âmes errantes, mais les immeubles ça doit faire parler dans la presse, surtout en pleine rue de Tokyo avec des immeubles à étages qui y passent. On a une âme erranter poursuivie par un démon, et les objets sont détruits autour. Ce truc est complètement mal géré dans le manga. Normalement, il ne devrait pas y avoir de destructions du tout, s'il y en a ça devrait pour le fun dans l'espèce de voie parallèle du combat, mais rien dans le vrai monde. Ou s'il y a des destructions dans le monde réel, il faudrait un raisonnement pour dire que c'est anormal, que c'est un phénomène neuf ou inhabituel, une exception qui ne doit pas se reproduire. Là, on nous habitue en douce à une incohérence. C'est pareil pour le combat entre Ichigo et son double dans l'école. Les filles élèves font remarquer que des tables bougent toutes seules et on voit les tables toutes bousculées par le vol plané d'un shinigami. C'est complètement absurde, ça n'a aucun sens dans le manga, et évidemment ça me gêne. Après chaque combat, la fille shinigami reconstruit tout et efface les mémoires (sans même faire d'enquête pour déterminer qui a vu quoi et qui a détruit quoi dans un large périmètre qui échappait à son contrôle, ok d'accord !). Puis, le héros, à peine shinigami, il a des échanges avec sa partenaire assez peu vraisemblables, comme s'il connaissait déjà tout ce qu'il y a à faire, etc. Mais, bon, on voit très vite que le scénario se contrefiche d'avoir une logique interne. Il y a aussi plein de petites contradictions dans les propos des personnages. Il faut savoir si les shinigamis ne peuvent tuer un humain que sur ordre ou non, car dans l'action en elle-même on voit que les shinigamis ont leurs décisions sur un coup de tête. Il y a aussi ces contradictions du genre : on poursuit quelqu'un, où se cache-t-il ? qui il est ? Ah le voilà et oui on te connaît grâce à un rapport classé secret, ton nom est Ichigo et ton nom de famille on le connaît aussi. Ben, pourquoi le chercher ? Rendez-vous directement où il crèche ? Il a une adresse, vous y allez !
On sent que la cohérence est surtout dans l'immédiateté du récit et le récit est indéniablement élaboré, mais pour avancer on renonce à la logique sur tout ce qui ne s'impose pas directement à l'esprit. Il y a aussi pas mal d'épreuves ou d'actions qui ne racontent pas grand-chose, il y a un problème, il se développe en truc comique, il est résolu. Les gags sont parfois drôles, on aime bien la fille Orihime, mais il y a beaucoup de gags qui laissent de marbre. Je suis même assez surpris que ce manga soit tant aimé. Je suis immensément loin de trouver les combats intéressants ou impressionnants et leurs enchaînements sont peu pertinents souvent. En plus, lors des combats, ça bavasse, c'est parler pour ne rien dire à haute dose. Je suis vraiment étonné que ce manga ait plu autant, vraiment étonné.
Ceci dit, j'aime bien les idées, les dessins d'un instant qui redynamisent un truc, etc., et les incohérences sont compensées par l'imagination et l'allégresse du récit. Il a un petit côté touchant des personnages. Parfois, le dialogue fait mouche, comme pendant l'entraînement les reproches d'attaquer avec la peur. L'arc de libération de Rukia qui respire l'isekai est à l'évidence étudié pour rendre quelque chose de l'arc des douze maisons du sanctuaire dans Saint Seiya.