Whatever, mortal - Papa M (2001)


Sans vouloir t'entretenir de banales généralités, il arrivera parfois dans ta vie d'adepte du manga qu'une personne te questionne, d'un ton condescendant, sur la pertinence de ta passion pour ces vulgaires bd pour adolescents n'ayant pas plus de fond que de forme.


Heureusement, on rencontre de moins en moins ce genre d'ignares, reste que ça arrive. Auquel cas, conseille fortement à cette personne d'étudier un peu plus le sujet avant de venir déblatérer des âneries aussi grosses que sa grande mouille.


Et tiens, pendant que tu y es, dirige le vers Blessures nocturnes en lui demandant après lecture d'oser vous dire que l’œuvre en question est destinée aux atrophiés du cervelet et autres michaelbayiste fanatiques d'explosions.


Il y a en effet peu de chance que la lecture du manga de Seiki Tsuchida laisse insensible même le dernier des butors.
Outre la maestria du dessinateur sans qui l’œuvre n'aurait pas cette portée, il faut noter la rare intelligence d'un scénario qui met en scène Osamu Mizutani, professeur de lycée qui face à la mort d'un élève qu'il n'a pu aider décide de se consacrer aux "enfants de la nuit", à ces abandonnés, ces délaissés, aux victimes de mauvais traitements, aux drogués, aux gamins faisant face à la prostitution, l'abandon, la violence...


Découpé en plusieurs série d'histoires sans autres liens que le personnage principal, on aurait pu craindre que le manga se répète en ressassant inlassablement un même schéma. Rien de tel, chaque passage est unique, chaque moment avec un enfant est une expérience pour Mizutani et pour le lecteur. On découvre les blessures profondes qui marquent ces êtres si jeunes, ces stigmates qui les empêchent de voir leur futur et qui les poussent dans une spirale autodestructrice.
Les chapitres sont entrecoupées d'extraits d'un essai de Mizutani, livre dans lequel il écrit ses pensées, parle de ses échecs et des espoirs qu'il place en ces enfants.


La force du récit, tiré de la vie de l'éducateur philanthrope qu'est Osamu Mizutani, c'est la profonde humanité qui s'en dégage. C'est la force et l'envie de vivre de ces enfants au destin brisé dont l'expression même de la douleur dénote de cette enfance volée. C'est le tragique absolu d'une jeune vie qui s'éteint et les remords d'un homme qui considère avoir perdu une trentaine de vies, vies qu'il n'a pas pu sauver. En creux, on fait l'autopsie d'une société à la violence larvée, camouflée, mais terrible. Pressions de la société, des parents, refus de l'échec, haines des uns et bizutages des autres.
Et pour soutenir un tel récit, il ne fallait rien de moins que le superbe dessin de Seiki Tsuchida qui confère à certains instants une beauté tragique, une sublime tension appuyée par un soin des détails et une science du découpage qui nous donne un manga sachant se passer de texte pour faire passer des émotions d'une force rare.


L'histoire d'un homme qui se sent investi d'un rôle, d'une mission sacrée : rendre un futur à ces enfants.


Dur, tragique, beau, humain.
Âmes sensibles, s'abstenir.

Petitbarbu
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le 21 janv. 2016

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Petitbarbu

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