Bonne nuit Punpun
8.2
Bonne nuit Punpun

Manga de Inio Asano (2007)

Inio Asano (1980, Ishioka) est un mangaka reconnu s’étant notamment fait connaitre par son œuvre Solanin publiée entre 2005 et 2006 et adaptée en film live en 2010. Parmi d’autres œuvres remarquables, nous pouvons également citer Un monde formidable (2002-2004) ou Le Quartier de la lumière (2004-2005), toutes éditées en France chez Kana. C’est chez ce même éditeur français qu’il publie en ce moment Dead Dead Demon’s Dededededestruction (2014-en cours). Inio Asano s’attache dans ses mangas à présenter une vision pessimiste de la société japonaise, souvent teintée de ses absurdités et profondes difficultés sociales. Malgré son trait réaliste, Inio Asano s’accorde des excentricités dont Oyasumi Punpun est probablement son meilleur représentant.


Oyasumi Punpun nous conte l’histoire de Punpun, un enfant issu d’une famille japonaise classique. Nous le suivons le long de plusieurs étapes de sa vie : enfance, adolescence, début de l’âge adulte. En compagnie de ses amis et des membres de sa famille, il traverse les premières fois et les difficultés d’un jeune japonais. Fragilisé par une famille dysfonctionnelle, victime d’un amour de jeunesse dévorant, ne pouvant s’affirmer, il tente de résister à la solitude et à une société malade.


Inio Asano dépeint un Japon cohérent. Les personnages et les décors font l’objet d’un grand réalisme et d’un sens du détail appuyé. La particularité d’Oyasumi Punpun est ainsi le décalage très marqué entre un fond réaliste et quelques éléments caricaturés sans profondeurs. Au premier coup d’œil sur une page, ce sont bien évidemment Punpun et sa famille qui sont d’abord touchés par ce phénomène, mais quelques absurdités graphiques s’immiscent également comme « Dieu afro » ou « Dieu caca », alternant entre dessins enfantins et photographies. Les personnages du manga n’ont aucune conscience de ces éléments hors du commun que seul le lecteur peut observer, Punpun et sa famille sont pour les acteurs de l’histoire des êtres humains normaux.


Ce procédé particulier sert Inio Asano qui va utiliser ce vaste champ de possibilités. L’apparence de Punpun va ainsi pouvoir faire transparaitre son état d’esprit : sombre, enfantin, renfermé. Les éléments absurdes s’inscrivant dans le paysage tokyoïte morne vont souligner l’absurdité de certains évènements ou au contraire alléger la charge émotionnelle de ces derniers, sans jamais les tourner en ridicule.


Cet élément original n’est pourtant pas ce qui fait l’intérêt du manga. Son histoire oscille entre drames, moments de bonheur et critiques d’une société de compétition. Elle touche grâce à un rythme souvent lent, faisant la part belle aux pensées et aux introspections de ses personnages. Leurs réactions ne sont pas toujours logiques et ils partagent leurs interrogations et leurs raisons avec le lecteur. Dans un tel environnement, difficile pour eux de s’entraider ou de réprimer leurs plus vils instincts. Punpun est un personnage spectateur de sa vie, subissant de nombreux évènements, et ne prenant les rênes de son destin que tardivement dans le scénario. Difficile d’en dire plus sans révéler des éléments importants qui nuiraient le plaisir et surtout l’importance de leur découverte par le lecteur.


La galerie des personnes est étoffée, peut-être trop. Inio Asano n’a pas réussi à donner une grande épaisseur a beaucoup d’entre eux qui vont disparaitre dès l’adolescence de Punpun, soit pour réapparaitre furtivement, soit pas du tout. Le groupe de la secte, tellement mystérieux et prenant tellement de place dans le récit, déboussole. Son intérêt n’est jamais clair.


L’ambiance d’Oyasumi Punpun est lourde et laisse peu de place à l’optimisme. La folie, le sexe et la violence s’illustrent dans leur plus grande immondice tout en restant naturels et inscrits dans notre temps. Toutefois, l’espoir frappe souvent à la porte de Punpun, trop traumatisé pour le remarquer. Un directeur d’agence bienveillant, une histoire d’amour saine ou des opportunités d’avenir. Oyasumi Punpun a beau présenter une société « à ses limites », il ne tombe pas dans un extrême pessimisme.


En conclusion, Punpun comme son œuvre est difficile à comprendre. Il faut l’accepter tel qu’il est, un « garçon trop gentil », donnant tout ce qu’il a à offrir. Il possède une part sombre qui ne m’a pas dérangé : une douce absurdité, une maladresse dans le traitement de certains thèmes, des partis pris obscurs dont il faut trouver la réponse dans les interviews d’Inio Asano. Toutefois, cela reste une œuvre forte. Je l’ai parcouru avec une réelle empathie envers ce petit oiseau qui ne sait pas quoi faire de son existence. Oyasumi Punpun profite d’un soin considérable de l’auteur et il est difficile de rester insensible à son contenu. A relire à différentes étapes de sa vie et dans plusieurs humeurs.

ThePococurante
8
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le 5 août 2017

Critique lue 3.8K fois

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