Bonne nuit Punpun
8.2
Bonne nuit Punpun

Manga de Inio Asano (2007)

Impossible de poser correctement des mots, ou même de donner un sens, à ce que j'ai expérimenté devant Bonne Nuit Punpun, tant mon esprit a été chamboulé.


Il faut dire que la réputation de cet OVNI dans la sphère manga n'est plus à refaire, et m'avait déjà été maintes et maintes fois conseillé, au point que je retardais ma lecture, tant on m'avait prévenu sur l'impact qu'elle pourrait avoir sur moi. Croyant cette réputation un brin abusée, c'était donc avec une certaine curiosité et une appréhension somme toute naturelle que je debutais ma lecture.


Si j'avais su...


Les 13 volumes qui compose cette œuvre nous amènent donc à la rencontre de Punpun, un jeune enfant simple au premier abord. Il a des amis avec qui il passe de bons moments, il souhaite devenir savant de l'espace... et il est amoureux d'une fille nommée Aiko.


Alors que le tableau se dresse et que les années filent à toute vitesse, on découvre rapidement les multiples composantes complexes de l'existence de Punpun : Gérer sa relation acommuniquante avec sa mère alcoolique ainsi que celle avec son père violent, tenter de comprendre son oncle dépressif, savoir qui est ce fameux Dieu dont l'immense tête surgit de nulle part même quand il ne le convoque pas, mais aussi et surtout... Aiko. Juste Aiko.


Sans entrer davantage dans les détails des différentes tranches de vie de Punpun, composées de l'école primaire, du collège, du lycée et de l'entrée dans la vie active, parlons plutôt de ce qui fait l'essence même de Oyasumi Punpun.


Tout d'abord, il y a le trait absolument sublime du mangaka, gorgé de détails et de signes et objets hétéroclites. À s'en décoller la rétine. Si son amour inconditionnel pour les paysages étoilés n'est plus à prouver, il y a aussi une certaine fascination à exagérer à des degrés grotesques les expressions faciales des personnages. Si il y a clairement une volonté justifiée de la part de l'auteur à les présenter ainsi, notamment parce que c'est la vision qu'a Punpun du monde qui l'entoure, il y a aussi un malin plaisir à dérouter le lecteur lambda.


Comme si l'auteur prenait un malin plaisir à nous distraire avec des rictus improbables ou même des panels psychédéliques nous montrant l'esprit en ébullition du protagoniste.


D'ailleurs, le protagoniste, ainsi que les membres de sa famille, sont les seuls personnages à être des oiseaux grossièrement dessinés. Ici, cela permet de diluer certaines scènes "crues", même si l'auteur s'en donne souvent à cœur joie pour l'expliciter au maximum.


Si le trait exceptionnel et réaliste de l'auteur, usant souvent de décalquage de photos pour poser ses décors, sublime l'ensemble et qu'il use à merveille de son concept étrange et singulier de personnages oiseaux, l'auteur maîtrise tout autant son écriture. Même si par moments, les multiples réflexions métaphysique et existentielles qui jalonnent l'œuvre alourdissent les dialogues, ils offrent une portée universelle aux messages qu'ils véhiculent.


Du personnage marginal qui n'a jamais su s'intégrer en société à celui qui s'est inventé un dieu que lui seul peut voir en passant par un homme autoproclamé gourou devin, tout ce beau monde offre à réfléchir sur différents sujets avec une certaine justesse dans les arguments utilisés. Même si par moments, ces dites réflexions sortent un peu de nulle part, elles ont pour la plupart une réelle utilité dans le contexte et pourrait bien, qui sait, changer votre vision de vous même.


Alors que les tomes défilent, on passe d'un Punpun qui subit la violence du monde extérieur à un Punpun complètement en roue libre prenant des décisions imprévisibles et menaçant son propre équilibre. Dans cette véritable descente aux enfers, on prie qu'il y aura une lumière au bout du tunnel.


On réfléchit beaucoup en lisant Oyasumi Punpun, on pleure aussi, on voit notre esprit s'enflammer devant la puissance psychologique de certaines scènes, on s'indigne face à la cruauté de l'humain, on se prostre en craignant de ne jamais en voir le bout...


Cette œuvre ouvre des portes de nos peurs et craintes pour que nous puissions mieux observer ce qui ne va pas au fond de nous, il osculte notre cœur, notre esprit et nos pensées pour mieux les toucher, et alors qu'on croyait simplement lire la dite œuvre, on s'aperçoit presque trop tard que c'est elle qui a lu en nous.


On peste contre l'auteur, rageant d'avoir été floué, mais on gardera toujours en nous cette expérience de lecture inédite et intemporelle.

Le-Maitre-Archiviste
9

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Créée

le 20 avr. 2021

Critique lue 117 fois

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