Critixman
6.1
Critixman

BD de Manu Larcenet (2006)

Impossible de s'intéresser à la bande dessinée, a fortiori franco-belge, sans connaître l'un des auteurs les plus emblématiques des années 2000, la casquette fière et la barbichette au diapason, en la personne de Manu Larcenet. Impossible de passer un étal d'albums chez votre libraire sans tomber nez-à-nez avec ses travaux chez Dargaud, notamment Le Retour à la terre et Le Combat ordinaire. Impossible, surtout, de ne pas tomber sous le charme des traits de génie de cet artiste, alliant finesse et maturité, qui lui ont valu une petite douzaine de prix prestigieux. De son côté, difficile certainement d'atteindre un tel statut : si l'on veut obtenir une belle notoriété, il faut d'abord surmonter des épreuves et forcer le respect, face à des critiques parfois mordantes.

En 2007, l'auteur troque ses personnages attachants contre un super-héros à la suffisance inégalée : Critixman, dont les (més-)aventures paraissent sous la forme d'un mini-album broché sur le label de son créateur (Les Rêveurs). Cette vingtaine de pages à l'humour caustique rappelle les débuts de Larcenet chez Fluide Glacial, la dimension intimiste en plus. Parfois drôle, souvent haineuse, cette BD à peine griffonnée va pourtant plus loin qu'un simple exercice d'auto-dérision. Dans Critixman, il est surtout question de vindicte aux intentions à peine voilées : à la lecture rapide de cette revue, on croit assister à un véritable règlement de comptes. Larcenet ne cache pas son antipathie, voire son mépris envers ceux qui ont la critique facile ; en les affrontant de face, il s'arme d'un humour noir résolument gratuit, plus agressif que celui de Franquin.

Les faiblesses imputables à ce mini-album n'entament en rien sa relative efficacité. Le caractère grossier du personnage, qui distribue à tour de bras des critiques négatives, à la fois sur la qualité de dessin, l'originalité de l'œuvre et tout ce qui a attrait aux valeurs artistiques du pauvre dessinateur, n'est pas si loin de la réalité. Cette caricature de pseudo-intellectuel, autoproclamé à la lumière d'œuvres marginales underground, parvient bon an mal an à faire mouche. En effet, il n'est pas rare de croiser ces personnages qui, se croyant dispensés de mettre une œuvre en contexte, n'hésitent pas à la descendre sous prétexte qu'untel est déjà allé plus loin en la matière ! Par-delà la frustration, pointe néanmoins une légère note de tendresse : preuve que malgré cette critique de la critique pure, celui qui tient le crayon n'est pas si méchant qu'il voudrait le laisser paraître.

http://offthebeatentracklists.wordpress.com/2012/06/16/larcenet-critixman/
Messiaenique
6
Écrit par

Créée

le 15 juin 2012

Critique lue 213 fois

1 j'aime

Messiaenique

Écrit par

Critique lue 213 fois

1

Du même critique

Le Chant du styrène
Messiaenique
8

Critique de Le Chant du styrène par Messiaenique

On peut affirmer sans trop s'avancer que le souci esthétique représente une part essentielle dans le domaine de l'œuvre cinématographique. Cadrage et photographie, mise en lumière, tout compte pour...

le 13 juin 2012

21 j'aime

1

La Charrette fantôme
Messiaenique
10

Critique de La Charrette fantôme par Messiaenique

Avec le succès international du film The Artist de Michel Hazanavicius, les cinéphiles espèrent voir un grand nombre de classiques du cinéma muet refaire surface. Dans la bouche de Jean Dujardin on...

le 12 juin 2012

20 j'aime

’77 LIVE (Live)
Messiaenique
10

Critique de ’77 LIVE (Live) par Messiaenique

Ce concert enregistré le 12 mars 1977 à Tachikawa a longtemps été le véritable Graal du record geek, consacrant en deux disques la quintessence du groupe dans une époque où ils atteignirent leur...

le 12 juin 2012

18 j'aime