Récit complet, autobiographique, narrant un épisode de la vie du scénariste Paul Dini, ce volume saisit par son propos et le traitement qui en est proposé, à la fois réflexif et cathartique. Ou comment un trauma accidentel peut intimement résonner avec un engagement artistique, et réciproquement.


Nous sommes au début des années 1990, au sein de l’empire Warner. La série animée Batman de Bruce Timm (et Eric Radomski) connaît un vif succès, auquel participe activement Paul Dini en tant que membre de l’équipe de scénaristes. Et si côté professionnel tout va donc très bien pour lui, côté coeur cela s’avère bien plus laborieux, le geek ne faisant pas se pâmer les femmes fatales qu’il fréquente comme il le rêverait.


Et c’est au retour d’une soirée une nouvelle fois frustrante sur le plan sentimental que Paul Dini croise la route de deux brutes qui décident, gratuitement ou presque, de le tabasser sauvagement, le laissant effroyablement blessé. Car ce soir-là, dans le monde réel, il n’y avait pas de Batman qui rodait pour protéger l’innocent en balade. Débute alors une douloureuse convalescence, véritable crise existentielle, au cours de laquelle notre scénariste sombre peu à peu, remettant en question les fondements de sa vie d’alors.


Ce Dark Night : une histoire vraie ne propose donc pas une plongée directe dans le processus créatif de la série animée Batman, mais le récit d’une des péripéties qui en ont jalonné le parcours. Et si on y croise plusieurs figures majeures du staff de l’époque, à commencer par Alan Burnett, c’est d’abord l’expérience personnelle et intime de Paul Dini qui se trouve en jeu.


Sous la forme d’une mise à nue introspective, parfois peu glorieuse pour lui, le scénariste témoigne avec un certain recul de qui il était alors et nous fait part des angoisses terribles que cet accident traumatisant a pu faire surgir en lui. Alors que ses peurs et frustrations l’empêchent de reprendre pied dans son travail et de se maintenir à flot dans sa vie, ce sont ses obsessions, à la limite de la démence, qui vont en fin de compte lui permettre de sortir la tête de l’eau.


L’imaginaire de Batman, d’abord dénoncé comme dérisoire, silence glacial et pesant d’une divinité absente, joue peu à peu un rôle crucial dans la convalescence de Paul Dini. Car c’est bien en tant que créateur que le scénariste convoque ses créatures : entre mauvais démons et ange gardien, tout le personnel de Gotham City se manifeste pour façonner et infléchir l’après.


Touchant et saisissant, Dark Night : une histoire vraie offre une vision étonnante de l’univers du Chevalier Noir, où la parole du scénariste retrouve une vertu cathartique directe, dans une démarche créatrice tout bonnement passionnante.


Chronique originale et illustrée sur ActuaBD.com

seleniel
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le 27 mai 2017

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