Quelque mois avant de lancer son génial DEADLY CLASS – saga-playlist qui aborde avec brio et énergie la violence de l'adolescence – , Rick Remender accouche de BLACK SCIENCE, une saga de science-fiction inspirée des théories du multivers.


Comme ce sera le cas plus tard avec les fabuleuses illustrations de Greg Tocchini dans LOW, les dessins de Matteo Scalera, malgré leur esthétique saisissante, égarent d'emblée le lecteur de par leur complexité visuelle. Certes, elles collent impeccablement à désorientation des personnages, tout juste débarqués dans une dimension parallèle. Néanmoins, au commencement in medias res du comic, l'identification des enjeux en cours et des personnages eux-mêmes donne du fil à retordre. Les noms de Shawn et Ward sont lancés, sans que le lecteur puisse comprendre clairement auxquels des huit scaphandriers ils sont associés. Et il faut encore jusqu'à un tiers de ce premier volume pour que les casques soient rabattus et que l'on découvre enfin le visage de nos protagonistes.


D'un point de vue psychologique, là encore, la caractérisation fait défaut. Les enfants de McKay, bien souvent indistinguables, demeurent désespérément creux. On nous présente Shawn le scientifique rigolo, Ward l'ex-militaire garde du corps, Rebecca la maîtresse du protagoniste, Kadir le patron véreux et Chandra son insupportable bras droit. Outre cela, en terme de backgrounds, le comic reste malheureusement plutôt superficiel.


Le défaut majeur vient sans aucun doute de la narration trop bavarde. McKay, lorsqu'il est narrateur, se perd dans ses considérations philosophiques et l'énumération de ses innombrables regrets. Pourtant, ses monologues intérieurs ne disposent pas des qualités d'une prose argotique façon SIN CITY et – pour revenir à l'univers de Remender – ne s'encrent pas comme dans DEADLY CLASS dans la logique du journal intime d'un ado tourmenté. Voilà le problème de Grant McKay : il se remet beaucoup trop en question pour un personnage dont les actions sont perpétuellement celles d'une tête brûlée. En dépit de tous les regrets qu'il énonce et de toutes les motivations scientifiques qu'il avance, McKay n'évolue quasiment pas au cours des six premiers chapitres. Les premières pages, durant lesquelles il dresse le portrait de sa misérable existence, donnent l'impression de quelque manque d'inspiration quant à la mise en scène du passé du protagoniste, dont finalement on apprend bien peu de choses. Et mis à part quelques répliques qui font mouche – dont la redéfinition acerbe d'une idéologie – le flot de paroles du personnage confère à l’œuvre une certaine lourdeur.
Cependant, le point de vue plus direct de Ward amène une relative bouffée d'air frais au milieu du récit. Puis, plus tard, la brève mais redoutablement efficace narration de Kadir surprend par sa justesse. D'ailleurs, à l'issue de ce premier opus, Kadir, qui pourtant partait avec toutes les caractéristiques du mauvais stéréotype, se révèle être le personnage le plus travaillé voire le plus touchant de BLACK SCIENCE.


Il m'est impossible de ne pas mentionner dans cette critique la traduction française, qui ne rend malheureusement pas justice au comic. L'éponyme « black science » est transcrit par « science noire » là où un terme comme « science obscure » aurait paru plus raccord...


Au bout du compte, comme c'est le cas pour LOW – manifestement son digne petit frère – le premier tome de BLACK SCIENCE se clôt avec son lot de promesses, quand bien même l'ensemble souffre de quelques lacunes. Les nombreuses pistes lancées (les personnages secondaires, le chaman trop effacé, la jusqu'alors mystérieuse Sara ; les différentes dimensions, leurs cultures, leurs conflits et leur potentiel scientifique ; les questions qui apparaissent progressivement autour du pilier,...) laissent présager une intrigue plus complexe et plus développée. Il n'y a plus qu'à espérer que la suite de la série parviendra à faire avaler ce démarrage laborieux.

Rodreamon
6
Écrit par

Créée

le 17 mars 2019

Critique lue 105 fois

Cliffhunter ➳

Écrit par

Critique lue 105 fois

D'autres avis sur De Charybde en Scylla - Black Science, tome 1

Du même critique

Jurassic World: Fallen Kingdom
Rodreamon
5

Le protype hybride

Je suis une enfant des années 90. La trilogie Jurassic Park fait partie de mon enfance et, même si j'éprouve un plaisir tout particulier devant le premier, j'aime presque autant les deux suivants,...

le 8 juin 2018

3 j'aime