Le départ.

Fabien Toulmé, auteur de bande dessinées, entend en mars 2015 la nouvelle du crash d'un avion dans les Alpes qui tue 150 passagers. Mais dans le même bulletin, on annonce en catimini la mort de 400 personnes. Il ne se résigne pas au principe de proximité et décide de rencontrer un migrant pour mettre une histoire derrière ces chiffres. Il rencontre Hakim, réfugié syrien.

Comme dans Maus, l'auteur se met en scène en train d'interviewer Hakim, que l'on voit au fil des rencontres devenir père en France. Un avant-propos nous explique qu'il a fallu tailler dans le récit et par exemple enlever de la narration la présence d'un interprète, par souci de lisibilité, ou changer certains noms pour ne pas mettre la vie de personne restées en Syrie en danger.

L'originalité de cette série, c'est de montrer qu'on ne naît pas migrant, on le devient. On ne se retrouve à quitter son pays que par défaut, après une succession de décisions antérieures qui ont échoué.

Je ne suis pas particulièrement fan du graphisme, qui rappelle celui d'un Guy Delisle, mais depuis Scott Mcloud, on sait qu'un design épuré est la meilleure manière de permettre au lecteur de se projeter dans les personnages, donc pourquoi pas. A noter que le propose se donne du mal pour ne choquer personne et rester au niveau de l'individu, sans engagement politique. Un choix comme un autre...

Ce premier tome ne décrit pas tant que ça de danger propre à la condition de migrant (ça vient dans le deuxième tome), mais plutôt les hésitations et la précarité grandissante, le déracinement dans lequel on se retrouve. La pratique intense des cafés internet, aussi, pour garder un semblant de lien avec la famille, qui elle reste en danger, sur les théâtres des combats.

Synopsis
Le premier tome décrit le départ d'Hakim de Syrie, et la période qui va le décider à partir pour l'Europe. On a une mise au point rapide et didactique sur les printemps arabes de 2011 et les forces en présence en Syrie. Cultivateur de fleurs, Hakim n'est pas quelqu'un d'engagé. Pour avoir aidé un blessé dans une manifestation, il est cependant arrêté par la police politique, les moukhabarats, qui le torturent pendant plusieurs semaines avant de le relâcher. Il négocie un nouvel appartement pour installer sa famille dans un quartier plus sûr, à prix d'or. Son jeune frère, plus engagé, disparaît également. Le chômage s'installe ; à cause des bombardements Hakim décide de passer à l'étranger : il passe au Liban, mais il y a peu de travail et les gens deviennent progressivement xénophobes face à l'afflux de Syriens : il décide donc de passer en Jordanie. Un oncle l'accueille, mais il ne se résoud pas à rester chez lui sans rien faire. Il trouve un travail au noir de nettoyeur et monte même en grade, mais son patron le vire lorsqu'il demande un vrai contrat. Les Syriens devenant de plus en plus nombreux et les emplois étant souvent inhumains et mal payés, il décide de partir pour Antalya.