J'ai beaucoup de mal avec le Deadpool de Duggan. Il y a quelques très bonnes choses dans son assez long run (il a quand même commencé en 2012, si je ne dis pas de bêtises, et s'est seulement terminé en 2018 avec la fin de Despicable Deadpool), mais à titre personnel, je ne retrouve pas ce qui fait Deadpool : le mélange entre absurde et antihéros psychopathe.


Cette série est issue, comme de nombreuses autres, de l'event Secret Wars, qui signe le redémarrage d'un grand nombre, si pas de toutes les séries Marvel, dans un multivers remis à neuf (un peu comme les new 52 de DC mais de façon un peu moins ratée et bordélique, et avec moins de modifications gratuites de la continuité). En toute honnêteté, je ne me souviens plus à quel moment commence ce volume et se termine le dernier. Mais les événements essentiels à prendre en compte sont les suivants : Deadpool a une fille, qui vit avec un agent du SHIELD pour sa protection, et il est désormais membre des Avengers, est devenu ultra populaire et est à la tête d'une fortune considérable. Il mène en outre de temps à autres sa propre équipe, les Mercs for Money. Ah, et il se marie avec Shiklah, une démone qui règne sur les monstres et autres créatures surnaturelles de New York, dans son propre royaume souterrain (ancienne promise de Dracula, tout ça est raconté dans une autre série). Le problème de Wade, c'est que cette nouvelle respectabilité, il en a tout autant besoin qu'il n'arrive pas à l'assumer, coincé entre son désir d'être aimé, ses pulsions à foutre le bordel et sa morale à géométrie variable...


Deadpool s'est donc changé grosso modo en geignard. Ouais, je sais, l'aspect crise existentielle est important pour le personnage, et oui, je sais, c'est un héros qui est traité radicalement différemment selon les auteurs à la tête de la série, mais voilà, Deadpool perd ici la plupart de son intérêt. Parce qu'il s'agit essentiellement d'un arc de rédemption tout ce qu'il y a de plus classique : l'antihéros, autrefois amoral, trouve des gens qui le supportent, et du coup essaie de trouver la route du bien. Ca marche dans Berserk parce que c'est bien écrit, et que ça correspond à la caractérisation du personnage. Ca ne marche pas avec Deadpool parce que ça ne fait écho à rien de ce qui a été écrit auparavant sur le personnage : c'est quand même le mec qui a séquestré sa colocataire, vieille dame âgée et aveugle pendant des années et qui a fini par la torturer quand il a estimé qu'elle l'avait trahi. C'est quand même le mec qui a éliminé toutes les autres versions de lui à la suite d'une crise existentielle. Qui change le récit sur son passé régulièrement, et a commis des actes irréparables envers des gens qui lui étaient proches de façon complètement gratuite. Qu'on se comprenne bien : je ne reproche pas qu'on fasse évoluer le personnage, ou que l'on puisse le faire passer du côté des gentils. Je reproche de l'avoir vidé de sa substance pour en faire un personnage lambda, caractérisé par des éléments ajoutés tous sur une relativement courte durée (ses potes du SHIELD, son gosse, son amitié avec Steve Rogers, sa femme) en faisant abstraction de ce qui fait que les gens aiment Deadpool : ses transgressions, son étrange qualité d'antihéros attachant, son humour (encore présent, parfois excellent, mais très sporadiquement), sa conscience d'être dans un comics, son caractère lunatique... De temps à autres, on retrouve de tout ça, mais c'est largement coulé dans ce moule de rédemption.


Il faut sans doute mettre cela sur le compte de la croissance considérable de la renommée du comics, et sur la ligne éditorial plus family-friendly que Marvel a développée depuis quelques années. N'empêche, c'est un peu triste.

Antevre
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le 13 nov. 2018

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