Le chef d'œuvre de John Steinbeck, « Des souris et des hommes » a été adapté au théâtre et au cinéma. En effet, l'unité de lieu et les personnages hauts en couleur semblait destiner cette nouvelle à ces adaptations. Sans réelle surprise, on peut désormais retrouver également une version en bande-dessinée, réalisée par Pierre-Alain Bertola.

L'avantage d'adapter une nouvelle plutôt qu'un roman est que l'on peut éviter des coupes brutales ou des raccourcis. Le danger est de rester très proche du texte, au point que l'intérêt même de l'adaptation devient discutable. Dans son ouvrage, Pierre-Alain Bertola utilise pas moins de 120 pages pour raconter cette histoire.

Petit rappel de l'histoire : George et Lennie voyagent de ranchs en ranchs pour chercher du boulot. Travailleurs saisonniers, ils ont eu des problèmes par le passé à cause de George. Ce dernier est limité intellectuellement et est un véritable fardeau pour Lennie. Cependant, les deux personnages espèrent arriver en cumulant leurs payes à ouvrir leur propre ranch. Mais pour ça, il faudra éviter les problèmes...

L'œuvre de Steinbeck tient beaucoup sur ses dialogues et sur les personnages. La bande-dessinée leur rend évidemment sa problème leur force. De même, malgré le manque d'action de l'histoire, Bertola parvient à instaurer un vrai rythme dans la lecture. Les moments de tension sont bien rendus. Au final, l'histoire est parfaitement respectée et la force de l'œuvre est intacte.

Le dessin est très lâché, avec un aspect très brouillon assez désagréable. Les personnages sont parfois mal identifiés malgré des caractéristiques assez différentes. Clairement, ça ne plaira pas à tout le monde. Le tout est ombré au lavis avec des effets chargés. En soit, le lavis semble jeté sur la planche, ce qui s'accorde très bien avec le trait. Cela ajoute un aspect dur à l'histoire et augmente l'intensité dramatique. Cependant, je n'ai pas été séduit plus que ça. Cet aspect croquis a tendance à masquer les efforts de mise en scène de l'auteur. Dommage.

Le choix du noir et blanc pour cette bande-dessinée est également un point discutable. En effet, les chaleurs écrasantes, la forêt, l'eau auraient peut-être méritée une mise en couleur. Cependant, l'alternance des scènes de jour (très blanches) et de nuit (très noires) sont bien réalisées. L'auteur maîtrise suffisamment son noir et blanc pour que son choix soit cohérent.

A plusieurs reprises, l'auteur ajoute un extrait du roman de Steinbeck. Si je comprends l'intention, ça m'a gêné. En citant explicitement l'auteur, Bertola montre sa difficulté à se détacher de l'œuvre originale. Ainsi, la première description de paysage est citée. Et ensuite commence les pages dessinées qui représentent ce même paysage...

Au final, difficile de juger cet ouvrage. Si la force du récit de Steinbeck est toujours intacte, j'ai du mal à déterminer le rôle de la bande-dessinée en elle-même qui lui sert de vecteur ou le texte en lui-même. Force est de constater que Pierre-Alain Bertola a fait des choix courageux, clairement discutables. Mais le côté brut de son ouvrage est certainement ce qui permet de ressentir l'histoire avec toute la force. Le pire qui pourrait arriver pour le roman Steinbeck, c'est que l'on l'aseptise.
belzaran
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le 1 mars 2012

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