Une ouvre des plus marquantes, d’un auteur, peu prolifique, mais terriblement efficace. Minetaro Mochizuki, connu aujourd’hui pour son manga Chiisakobé, ayant déjà plusieurs prix, notamment deux au festival d’Angoulême. Il s’était, avant cela, fait découvrir via Dragon Head, qui a lui aussi obtenu beaucoup de titres, comme le prestigieux Prix culturel Osamu Tezuka en 2000. Prix qu’il aurait été l’un des premiers auteurs à remporter aux côtés de Jiro Taniguchi et Naoki Urasawa, donc autant vous dire que l’on parle ici d’un plus que reconnu.
Dragon Head qui fut prépublié dans le Young Magazine de 1995 à 2000 a été édité trois fois en France et dernièrement aux éditions Pika. Vous n’aurez aucune excuse pour ne pas vous pencher sur cette œuvre qui a récemment eu une collection chez Pika Graphic, dans cinq volumes somptueux, qui rendent vraiment honneur au travail de M.Mochizuki.


On nous livre ici une analyse sur la peur, au travers d’une histoire ou nos héros chercherons simplement à survivre. Un manga qui contente les amateurs de survivalisme et les adeptes d’expériences nouvelles, Dragon Head retranscris avec exactitude la peur, sous toutes ces formes.
C’est en rentrant d’un voyage scolaire en train que toute une classe de collégien va subir un énorme tremblement de terre. Laissant alors pour seuls rescapés, trois collégiens, Teru, Ako et Nobuo… Ayant eu un accident dans un tunnel, ils se retrouvent bloqués et seront désespérément à la recherche de la sortie. Que va-t-il leurs arriver et surtout… Que se passe-t-il à l’extérieur ?
Un début d’histoire simple, classique pour un récit de survie… Mais nos trois survivants ne sont pas vraiment seuls… Non, l’auteur nous comprendre que l’obscurité est là. Il l’a traite comme un personnage, sans dialogue, sans action, mais écrasante et dominante. C’est avec un style de dessin nerveux, sans jamais être brouillon, car on a un vrai travail sur la lumière qui rend l’ensemble terriblement réaliste. La mise en scène n’est pas en reste, le mangaka insiste sur une suite de plan silencieux, avec seulement du décor. Laissant alors les personnages explorer leurs environnements avec le lecteur, le récit devient immersif grâce à cette seule maîtrise. On entendrait presque le silence et c’est à ce moment-là que l’on comprend pourquoi M.Mochizuki a pu obtenir autant de prix pour son manga. Il sait raconter sans avoir besoin de trop de dialogue, avec des mises en page et des cadrages toujours très justes.
Mais pour tous les amateurs de Walking Dead et autres œuvres, ou seule la survie compte, ne vous en faites pas. Car bien que Dragon Head soit très contemplatif, on est aussi gratifié de plusieurs moments d’actions, ou la tension est vraiment présente. Avec des courses poursuites, des armes et des personnages qui savent inspirer la peur.


Au-delà la mise en scène et des dessins, que va nous raconter ce manga ? De par ce titre étrange, le manga n’a rien d’une œuvre d’héroïque Fantaisie, non, nous sommes au Japon dans un contexte post-apocalyptique. Ce qui est important ce n’est pas comment le cataclysme est arrivé, mais plutôt comment survivre après ce dernier et avec ce simple constat l’auteur va pouvoir se pencher sur le ressentit des personnages.
Le récit de découpe distinctement en deux phases. Les trois premiers tomes vont nous montrer les personnages coincés dans le tunnel et la suite se passera à l’extérieur, avec des ajouts de personnages. La première partie met automatiquement le lecteur dans le bain, les personnages vont vivre un cauchemar et certains personnages pourraient être le cauchemar d’autres… On va suivre leurs développements psychologiques, dans cet environnement sombre et claustrophobique. La peur du noir n’aura jamais été aussi bien représentée que dans cette œuvre et les trois premiers tomes le prouvent avec brio.
Puis on arrive à une deuxième partie vraiment très différente. Ici la claustrophobie est inversée, face à ces nombreux panoramas d’immensités, montrant avec justesse la petite chose que nous sommes. Remettant en question notre place dans ce monde finalement si vaste. Cette partie de l’histoire mettre donc plus l’accent sur l’action, économisant les effusions de sang et le gore pour toujours reste sur de la peur psychologique. La transition entre les deux phases se fait avec brio et même si on a l’impression de perdre ce qui faisait la force de l’œuvre, le manga nous met face à un concept assez étonnant. Les fameux ‘’Dragon Head’’, expliquant alors le titre du manga, mais revenant à nouveau sur la thématique de la peur, avec une autre approchent. Que se passerait-il si on ôtait tout sentiment de peur à un être humain ? Ce ne serait pas la peur qui nous rendrait le plus vivant ? La peur est-elle si négative ?


En évitant de trop en dévoiler, ce manga veut distiller ces réflexions au travers d’une histoire de survie saupoudrée d’action. Ce qui ravira les personnes qui passeront à côté des réflexions, pour se contenter de scène très bien rythmée. Néanmoins la fin pourrait en décevoir plus d’un, car comment finir une telle histoire ? Après être sorties du train fantôme, les horreurs restent derrière, la fin est donc moins empreinte d’angoisse que le reste du manga.


Une œuvre n’ayant absolument pas mal vieilli et très facilement trouvable à l’heure actuelle, Dragon Head est cet ovni du manga, qui malgré tout reste totalement accessible. Proposant une vision de la peur sous toutes ces facettes, cette histoire ne laissera personne indifférent. Alors plongez dans la magie de ce monde en ruine, toujours bien rythmé entre de l’action et du contemplatif, le récit sera ravir une grande partie des lecteurs. Bien qu’il ne soit pas trash, le manga n’est pas à mettre entre toutes les mains à cause de son thème. Servie sur une mise en scène maîtrisée et des dessins saisissants de réalisme, on se perd facilement dans ces pages décrivant avec brio une atmosphère des plus oppressantes. Tous les lecteurs et lectrices ne ressentiront pas forcément la peur en parcourant les pages de Dragon Head, mais ils auront le droit à de belles réflexions sur cette émotion et rien que pour ça ce manga est culte !

KumaCreep
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le 20 mars 2013

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KumaCreep

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