Un des nombreux problèmes que je n'ai pas eu le temps d'évoquer dans ma critique du Siège de Saleucami, c'est que Quinlan Vos affrontait le mauvais adversaire : il n'avait aucun antagonisme particulier avec Sora Bulq, contrairement à Volfe Karkko… et surtout au comte Dooku, et c'est pourquoi le duel final tombait à plat. Aussi le monologue intérieur du jedi kiffar, en page d'ouverture de Star Wars Clone Wars tome 10 : Épilogue ressemble-t-il presque à un mea culpa amer : Quin aurait bien aimé tuer Dooku lui-même, mais le grand héros Anakin Skywalker a eu la priorité.


Mais au moins Vos a-t-il l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que cela vaut mieux ainsi, car il l'aurait tué "avec haine". Or à ce stade, l'homme aux dreadlocks est en paix, plus qu'il ne l'a jamais été : décidé à quitter l'ordre jedi pour se marier à Khaleen, mère de son enfant à venir, il aborde la fin imminente de la Guerre des Clones avec d'autant plus de sérénité que pour la première fois, il se sent en phase avec la nature. De fait, il est rafraichissant pour le lecteur aussi de voir ce personnage d'ordinaire cantonné aux bas-fonds des planètes citadines évoluer dans la jungle luxuriante de Kashyyk, monde natal des Wookies et de Chewbacca.


Un autre aspect bienvenu de ce début d'album est le retour d'un vieil ami que nous n'avions plus rencontré depuis Rite de Passage, troisième tome de Jedi : j'ai nommé "le Dévaronien le plus chanceux de la Galaxie, et aussi le plus beau", Vilmarh Grahrk, alias Villie. Aayla Secura, Tholme, T'ra Saa, Zao, Bok, Kh'aris Fenn, tous étaient revenus à un moment ou à un autre de Clone Wars, mais pas le sympathique chasseur de primes, pourtant très populaire auprès des fans. Mieux vaut tard que jamais, c'est maintenant chose faite, toujours accompagné de son droïde sarcastique NT, de son vaisseau l'Inferno et d'un nouveau venu, le jeune wookie Chak, dont il fait office de père adoptif. De fait, ce nouveau Villie est plus mélancolique et généreux que tantôt, bien qu'il n'ait (heureusement) rien perdu de son verbe truculent.


Maître Yoda fait lui aussi bientôt son apparition, car les événements de l'album s'emboîtent avec la bataille de Kashyyk dépeinte dans La Revanche des Sith. Si vous avez vu ce film (et si vous lisez cette critique, j'imagine que tel est le cas), alors vous savez que le maléfique Dark Sidious ne va pas tarder à enclencher l'Ordre 66, à savoir le meurtre des généraux jedi par leurs propres troupes clones. Et c'est hélas exactement ce qui finit par arriver : Yoda s'en tire mais Luminara Unduli est froidement abattue et Quinlan Vos disparait dans l'explosion de son tank – scène qui a failli être dans le film, un animatronic étant même visible sur Internet, mais le beau Kiffar devra se contenter de la mention de son nom par Obi-Wan.


Il en faut cependant plus pour venir à bout de ce coriace de Quin : même mal en point, couvert de sang de la tête aux pieds, les os de son corps en miettes, les dreadlocks brûlés et démêlés, l'héritier du clan Vos est un client sérieux pour les soldats clones chargés de lui faire la peau. S'engage alors la meilleure partie de cet Épilogue : le chassé va devenir le chasseur, tirant le meilleur parti de ses talents d'infiltrateur et de la jungle qui l'entoure pour se jouer de ses poursuivants, allant même jusqu'à leur tendre des pièges mortels. Cette longue séquence est un pur régal, d'autant que j'ai le plaisir de dire qu'il s'agit du meilleur travail de la collaboration Duursema/Anderson depuis bien longtemps. La séquence du marécage, où Quinlan se remémore une leçon de Yoda durant son enfance pour se cacher sous la pluie torrentielle avant de décapiter un clone est particulièrement réussie.


Il convient d'ailleurs de souligner que cette course-poursuite n'est pas qu'un simple remake de Rambo à la sauce Star Wars: épuisé, grièvement blessé, délirant, Quinlan Vos a presque plus de mal à lutter pour conserver son propre équilibre mental que contre les soldats clones. Comme sa maintenant défunte apprentie Aayla dans le tome 4, les souvenirs s'accumulent dans son esprit chancelant, aucun n'étant plus douloureux, et touchant pour le lecteur, que celui où Quinlan apprend à sa jeune padawan à accepter la mort de son lapin T'da.


Autant j'avais beaucoup à redire du duel entre Vos et Sora Bulq dans l'album précédent, autant la poursuite s'achève de belle manière entre le jedi et son ex-commandant clone, Faie. Il faut noter que contrairement à la plupart des jedi, Quinlan Vos ne s'est jamais entendu avec ses soldats, ce que la romancière Karen Traviss remarque avec acidité dans son roman Republic Commando."Ils manquent d'empathie", déclare sèchement Quinlan, hôpital qui se moque de la charité. Mais cela renforce encore davantage l'acrimonie entre lui et Faie, et rend leur ultime affrontement encore plus satisfaisant.


Je ne peux hélas en dire autant des trois planches finales : que Quin soit sauvé in extremis par Villie, j'adore, mais les retrouvailles avec Khaleen et leur nouveau-né Korto sont kitsches au possible. Dommage de dire ainsi adieu à maître Quinlan Vos, l'un des jedi les plus charismatiques de l'Univers Étendu – du moins, jusqu'à ce que nous le retrouvions comme surfeur déjanté dans le dessin animé The Clone Wars, mais ceci est une autre histoire…


L'album n'est cependant pas terminé : Quinlan, Yoda et Obi-Wan ne sont pas les seuls jedi à avoir eu la bonne fortune de survivre à l'ordre 66. Les chapitres 2 et 3 vont s'intéresser à quelques-uns d'entre eux, à commencer par Dass Jennir et Kai Hudorra. Le premier est un Humain aux longs cheveux argentés, sorte de Legolas de SW, le deuxième un Bothan massif et barbu, et tous deux réagissent fort différemment au coup du sort qui s'est abattu sur eux et leur ordre. Jennir est déterminé à continuer le combat pour ses idéaux, allant jusqu'à s'allier à ses anciens adversaires séparatistes nosauriens, tandis qu'Hudorra jette littéralement son sabre-laser à la poubelle pour se fondre dans la masse et utiliser ses pouvoirs pour se faire une carrière au jeu.


C'est une jolie histoire, bien que particulièrement sombre et triste, ce qui allait devenir la marque de fabrique des nouveaux venus, le scénariste Randy Stradley et le dessinateur Doug Wheatley. Laissant la note d'espoir à leurs collègues Ostrander et Duursema, Stradley (vétéran de L'Empire Écarlate et de bien d'autres séries de comics SW) et Wheatley (qui, comme Duursema avant lui, venait de se faire remarquer par l'adaptation du dernier film) optent pour une approche beaucoup plus pessimiste de la fin de la Guerre des Clones : l'Ordre 66 n'est pas qu'un coup de poignard dans le dos des jedi, c'est aussi le symbole de leur rejet par toute la galaxie, alors même qu'ils se sont battus pendant trois ans pour la défendre. Ce chapitre est plein de petits détails, comme la malheureuse esclave twi'lek ou le vain sacrifice du jeune jedi, qui émailleront la série comics à venir, intitulée à juste titre Dark Times.


Le troisième et dernier chapitre est à bien des égards encore plus glauque puisqu'il s'agit d'un massacre en règles – mais surtout, des premiers pas de Dark Vador dans l'armure noire qui l'a rendu célèbre. Le tout récent seigneur sith n'est en effet pas encore le tueur froid et méthodique de la Trilogie classique. D'Anakin Skywalker, il conserve encore l'impétuosité, puisqu'il lui suffit d'entendre qu'Obi-Wan Kenobi se trouve sur la planète Kessel pour foncer tête baissée dans un piège organisé par Shadday, une jedi qui symbolise bien l'arrogance déplorée par Yoda dans l’Épisode II.


En effet, il a beau ne pas être encore à l'aise avec sa combinaison pressurisée et ses membres artificiels, Vador n'a aucun mal à se débarrasser de deux de ses adversaires, Sia-Lan Wezz et Ma'kis Shaalas, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. La présomptueuse Shadday a beau s'armer de cortosis, elle ne dure guère plus longtemps avant que le Sith ne lui brise la nuque. Les cinq jedi restants s'avère plus coriaces, mais Vador, alors amputé de la dextre et blessé à plusieurs autres endroits, montre sa résilience et sa ruse en parvenant à retourner l'instable Koffi Aranna, sosie du capitaine Sisko de Star Trek : Deep Space Nine, contre ses coreligionnaires.


C'est ainsi la pauvre Bultar Swan, dont l'actrice Mimi Daraphet a l'honneur d'être la première femme asiatique à apparaître dans SW à l'occasion de L'Attaque des Clones, qui ne tarde pas à succomber à la langue de vipère de Vador, puisqu'Aranna la tue avec sa propre arme pour ensuite s'attaquer au Sith qu'il croit affaibli – à sa décharge, la politique des jedi consistant à ne pas achever un adversaire désarmé est particulièrement déplacée dans ce contexte… mais cela n'empêche pas Aranna d'être éliminé à son tour. Bombardé de pièces de tôle, il ne fait cependant aucun doute que Vador aurait succombé si la "cavalerie" clone n'était arrivée à temps.


Les tout nouveaux stormtroopers font en effet immédiatement mentir leur futur réputation en abattant les jedi Jastus Farr et Roblio Darté. Le dernier survivant, le vénérable Tsui Choi, a à peine le temps de lancer son sabre-laser dans la figure de Vador dans un ultime geste désespéré avant d'être descendu à son tour par la 501ème légion. Le visuel du casque de Vador ouvert sur un œil rouge et jaune marqua tellement les esprits que Dave Filoni le reprendra pour sa série animée Rebels.


Et ainsi s'achève Clone Wars, au propre comme au figuré. Le duo Stradley/Wheatley retrouverait bientôt mon vieil ami le coloriste Dave McCaig pour reprendre les aventures de Dass Jennir dans Dark Times, tandis que Brian Ching s'intéresserait au lointain passé de SW avec Les Chevaliers de l'Ancienne République qu'il coréaliserait avec JJ Miller et Michael Atiyeh, laissant le trio Ostrander/Duursema/Anderson en charge du futur avec Legacy. Chacun de ces ensembles d'artistes exceptionnels marquerait à sa façon le paysage de l'Univers Étendu avant que celui-ci ne devienne Legends, mais plus jamais les comics SW ne bénéficieraient d'un tel effort collaboratif, pour un résultat aussi ambitieux. Raison de plus pour redécouvrir cette série marquante entre toutes avant de vous lancer dans un binge-watching du dessin animé The Clone Wars !

Szalinowski
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le 10 juin 2019

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