Le côté humain et politique oui, le côté super-héros non

S’il y a bien une gamme qui ne m’ai jamais déçu depuis qu’Urban Comics a repris le catalogue DC Comics en France, c’est bien leurs publications Vertigo. J’ai toujours été, en règle générale, assez fan de ce que l’on m’a proposé. Que ce soit Flex Mentallo, Scalped ou encore Fables. Ces titres ont toujours fait mouche. C’est donc avec une grande curiosité que je me suis lancé dans Ex Machina de Brian K. Vaughan et Tony Harris. Et si je reconnais un certain plaisir à la lecture, je ne suis pourtant pas convaincu le moins du monde, bien au contraire.

Mercredi 9 janvier 2002. Mitchell Hundred est intronisé maire de New York. Ingénieur de profession, idéaliste et pragmatique, il entend bien modifier à jamais la vie des citoyens de la Grosse Pomme et restaurer une cité mortifiée par les attentats du 11 septembre. Mais Mitchell Hundred est également un ancien super-héros : La Grande Machine, qui fit preuve d’un courage héroïque lors de ces événements tragiques.
Le poids des responsabilités et les réalités quotidiennes de son mandat mettront-ils à mal la confiance et le respect qu’ont pour lui ses administrés ?

Très bonne idée de base que celle proposée par Vaughan dans ce comics, quel avenir pour un super-héros une fois sa mission super-héroïque terminée ? Pour Mitchell Hundred, le rôle de super-héros passe au placard, mais son envie d’aider ses concitoyens est toujours aussi profonde et il se dirige donc tout naturellement vers le rôle de maire. Mais Vaughan annonce tout de suite la couleur, la carrière politique de Mitchell Hundred va être tout aussi catastrophique que celle de super-héros. « Bref, voici l’histoire de mes quatre années en fonction, depuis début 2002 jusqu’à cette maudite année 2005. Ca ressemble peut-être à un comic-book mais en réalité c’est une tragédie » C’est ainsi que démarre le prologue, on nous annonce de suite la couleur, Mitchell va sombrer lentement mais sûrement durant son mandat. Notons que cette histoire se déroule dans un monde quasiment identique au notre, mais seulement quasiment, les évènements du 11 septembre n’ayant pas la même fin dans ce récit.

Une fois le prologue passé, nous avons le droit à deux premières sagas, de cinq chapitres chacune. La première : « Etat d’Urgence » où notre maire est confronté à un élève aux méthodes assez extrêmes pour ne pas aller à l’école. Il cherche également à soulager financièrement ses concitoyens tout en étant confronté à un maître-chanteur et à un peintre provoquant une polémique sur le racisme (son interprétation de Lincoln est assez tendancieuse…) Dans ce marasme ambiant, Mitchell va aller jusqu’à douter de l’un de ses plus proches « amis ».
La seconde saga : « Tag », oppose Mitchell à une autre personne ayant été parasité par le même pouvoir que lui et ayant choisi le côté obscur de la force. L’enquête est d’ailleurs assez habillement menée car je ne m’attendais pas du tout à découvrir ce visage sous le masque du tueur. Il lance également le débat sur le mariage homosexuel dans la ville de New York, au dépit de ce lui disent ses collaborateurs.
Enfin la dernière histoire, le maire est confronté à une voyante, ayant à sa façon sauvé des vies le 11 septembre et qui demande à Mitchell de l’aider à en sauver d’autres à l’avenir.

Beaucoup de bonnes choses mais… trop de choses. Vaughan nous explique, dans les bonus, que ses sagas, toujours en cinq chapitres, se font sur trois axes. Un axe super-héros, un axe politique et un axe plus soap-opéra. L’impression finale qui en ressort, c’est un sentiment d’être éparpillé dans différentes histoires, différentes enquêtes. On a l’impression de se perdre, sensation davantage accentuée avec les fréquents bons dans le passé. Bons pour nous montrer l’enfance de Mitchell, la façon dont il a eu ses pouvoirs, ses rencontres avec les différentes agences gouvernementales, ou ses rencontres avec les personnages gravitant autour de lui au moment de nos sagas.

Voilà un des gros points forts de ce comics. Les personnages ! Que ce soit l’administration gravitant autour de Mitchell comme son adjoint Wylie au look rasta, sa jeune stagiaire blonde mais loin d’être idiote : Journal, la journaliste lâchant son stylo par amour : Susan, le vieux Kremlin servant de mentor, le chef de sécurité un peu bourrin : Bradbury, ou encore la commissaire Angotti, au final, le maire Hundred pourrait paraître moins intéressant, s’il n’avait pas son étiquette d’indépendant en politique, lui permettant d’avoir et de proposer des lois ou des amendements que les habitants de New York ne s’attendaient peut-être pas à voir arriver.
Le personnage de Mitchell n’est pas assez approfondi pour le moment pour que l’on s’y attache, on en est même loin, je ne ressens rien pour le personnage principal, alors que ceux qui l’entoure, m’amusent, m’intéressent. C’est un comble.

Tout comme l’aspect super-héros, cela fait plus gadget qu’autre chose, déjà que ses pouvoirs sont plus que nuls, ils sont en plus insuffisamment expliqués, et au final, dès que la narration s’attarde sur le sujet, je décroche. A l’inverse, l’aspect politique est lui passionnant, et en rapport avec l’air du temps. Il est intéressant de voir nager ce novice en politique, et n’appartenant à aucun parti, agir en dépit des codes ancestraux de la politique. Le côté soap est également fort savoureux, et montre bien à quel point les hommes politiques, importants, sont prisonniers de leurs images.

Côté dessin, je ne suis pas fan des dessins de Tony Harris. C’est certes très beau, et très bien mis en image, mais sur les visages, avec ces grands yeux, et ces gros nez, j’ai l’impression de voir des personnages de mangas s’étant perdus dans des pages de comics. Simple impression personnelle et ponctuelle. C’est également un peu sombre par moment, avec des couleurs un peu ternes, et les cases sont assez souvent vides autour des personnages.

Bref, difficile de trancher dans un sens comme dans l’autre. Certains côtés me plaisent beaucoup, comme l’aspect politique, les différents personnages gravitant autour de Mitchell, l’humour, ou l’idée de base de voir un super-héros raccrocher pour devenir maire. Mais le côté super-héros casse le rythme, déjà difficile à s’installer, et les dessins me gênent un peu.
Et puis presque trois cents pages, et j’ai toujours l’impression que de lire un prologue, rien n’a vraiment commencé, hormis sur le côté politique, il faudra vraiment que le tome 2 lance le truc, au risque de me voir décrocher.
Romain_Bouvet
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le 18 déc. 2013

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Romain Bouvet

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