Comme beaucoup de shônen du Jump, au bout de 37 volumes, il était temps que celui-ci se termine (et pourtant les deniers chapitres sont exceptionnels). Pour comprendre pourquoi, il faut savoir que Shonen Jump, le magazine de pré-publication de manga le plus vendu du Japon, fonctionne en demandant régulièrement à ses lecteurs de classer leurs séries préférées ; celles plébiscitées doivent continuer, et celles mal classées s'arrêter, ce quelque soit l'opinion de leurs auteurs. Nous arrivons à des aberrations, comme Shaman King : manga rallongé à outrance à cause de son succès, jusqu'à ce que ces ajouts nuisent à sa popularité, et que le mangaka soit obligé d'interrompre la série alors qu'il écrivait l'arc final...

Le gros problème de Eye Shield 21, c'est qu'il donne l'impression de boucler son grand objectif de départ – battre l'éternel rival des héros – relativement tôt dans l'intrigue, sans vraiment arriver à mettre en place de nouveaux enjeux par la suite, du moins sans les introduire de manière très artificielle.

Mais commençons par le début ! Eye Shield 21 est un manga surprenant et attachant à plus d'un titre. Déjà, il parle de football américain, thème étonnant, et sport à peine plus connu que le go en Europe. Pourtant, non seulement il arrive à nous faire découvrir cette discipline, mais en plus à accrocher le public. La grande force de ce titre, c'est de ne pas se prendre autant au sérieux que d'autres séries sportives comme Captain Tsubasa, qui sombrait parfois dans le ridicule tout en se voulant crédible. Eye Shield 21, par opposition, n'hésite pas à jouer la carte de l'exagération et de l'extravagance, y compris pendant les matchs, ce qui permet notamment aux auteurs de proposer des joueurs improbables, et des équipes au style parfois très marqué, bref des éléments qu'il serait impossible de trouver "dans la vraie vie" mais qui apportent énormément à l'identité du titre, et permettent d'insuffler de l'humour et des situations parfois rares dans les manga sportifs. Cela vient peut-être des spécificités du football américain, mais les auteurs arrivent aussi à mettre en place des rivalités individuelles alors qu'il s'agit bien d'un sport collectif, ce qui apporte forcément un attrait supplémentaire lors des matchs.

La première partie de la série, moins axée sur les confrontations sportives que sa suite dans la mesure où ses joueurs sont encore en phase d'apprentissage, n'hésite pas à mettre en parallèle le football américain et les instants de la vie lycéenne des personnages ; les matchs sont courts, et ainsi ne deviennent pas lassants.
Par la suite, cela évolue tout de même pas mal. Les personnages et les équipes restent, mais nous voyons moins ce qui se passe en dehors des confrontations ; même les entrainements, souvent pourvoyeurs d'éléments comiques, commencent à se faire rare, les joueurs disposant désormais d'un niveau suffisant. Et les matchs deviennent aussi longs que dans n'importe quel shônen de sport. Une évolution un peu dommage, même si les matchs conservent leur côté assez iconoclaste, que les retournements de situations sont légion, et l'humour toujours présent, notamment à travers des idées parfois hilarantes qui servent de transition d'un chapitre à l'autre. Mais bon, certains affrontements sont vraiment trop longs...

Heureusement, la série se conclut sur une opposition au dénouement bien trouvé et vraiment agréable à suivre. Plus long, ce manga aurait fini par définitivement lassé le lecteur, mais là, cela reste plus qu'acceptable. Au final, Eye Shield 21 est un shônen sportif de bonne facture malgré le sport un peu hermétique choisi (mais dont les règles sont bien expliquées par les auteurs), car il fait le choix de sortir des chemins battus et de jouer ouvertement la carte d'un manque de réalisme qui apporte une véritable légèreté au titre, accompagnée d'une grosse dose d'humour. Les personnages participent grandement aux qualités de la série, puisque nombre d'entre eux s'avèrent mémorables, en particulier le quarterback de l'équipe de Deimon, le diabolique et charismatique Hiruma.
Ninesisters

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5

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