Davantage connu grâce au film éponyme que pour l'oeuvre originale, Fritz le chat est né du crayon de l'artiste underground Robert Crumb au milieu des années 60, avant de trouver brusquement la mort au tout début des 70's de la main d'un auteur ne supportant plus l'ironique notoriété de son sale matou acquise grâce au succès du film relativement infidèle de Ralph Bakshi. Ce recueil revient sur la carrière du chat le plus vicelard de la bande dessinée, regroupant les strips parus à l'époque et d'autres, parfois au stade de la simple esquisse, retrouvés dans des carnets de Crumb.

Une exhaustivité qui permet d'observer l'évolution du style de Crumb et surtout, celle de son anti-héros et de la société dépeinte par l'auteur. Se posant en anti-Disney, Crumb se sert de l'anthropomorphisme cher au papa de Mickey pour non pas humaniser ses personnages mais pour, au contraire, déverser toute sa haine et son mépris du monde moderne, pour croquer des protagonistes abjectes et stupides, des pantins allumés et défoncés à l'herbe, des pseudos penseurs du dimanche, des Che Guevara des bacs à sable, reflet à peine déformé du mouvement contestataire des 60's et de l'American Way of Life.

Obsédé sexuel, profiteur, manipulateur, intellectuel à la masse et même apprenti terroriste le temps d'une poignée de cases, Fritz le chat est à n'en point douter un des anti-héros les plus marquants et les plus détestables vus dans une bande dessinée, un parasite vivant au crochet des pauvres idiotes qu'il séduit à grand coup de beaux mots faciles, un père indigne essaimant aux quatre vents, un psychopathe déguisé un monsieur-tout-le-monde ne reculant même pas face à un inceste ou à un viol collectif. Il est facile dès lors de comprendre la rage de Robert Crumb face à l'aura culte du chat et ce qui le poussa à s'en débarrasser brutalement et d'une façon délicieusement ironique, brusque lever d'un rideau d'un artiste proclamé un peu trop rapidement icône d'un mouvement qu'il détestait royalement.

On pourra rester hermétique au style graphique et narratif de Crumb et pointer du doigt un certain de manque de subtilité dans sa charge contre la société de l'époque, tout comme rejeter en bloc le pessimisme déprimant de l'ensemble mais l'on ne peut décemment pas enlever à "Fritz the cat" son importance dans le monde de la bande dessinée, toute catégorie confondue.
Gand-Alf
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le 8 mai 2014

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