Pourrons-nous parler de Littérature dans le manga ?

Après de longues années d'arrêt j'ai de nouveau été avalé par le tourbillon Fullmetal. 13 tomes achetés en moins de 2 semaines, la tentation était trop forte
Cependant, tout le monde le sait, j'ai passé l'âge pour ces enfantillages. Les gens mûres et "cultivés" doivent lire des vrais livres, ou des romans graphiques à la limite bien plus dignes que ces histoires de bas étages que sont les mangas.

Mais il n'en est point, c'est un préjugé, il n'est pas acceptable et FMA le montre parfaitement. Un shônen peut servir un propos et articuler sa narration comme il se doit. Comment FMA parvient-il à le faire si aisément ?

Pour ceux du fond qui ne suivent pas, Hiromu Arakawa nous fait suivre une tranche de vie de Alphonse et Edward Elric deux gamins bien trop rongés par les démons de leur passé. Focalisés sur un but : retrouvez leur corps d'origine, ils se retrouveront embarqués bien assez tôt dans un complot qui les dépasse en tous points.

Bon, l'histoire dans un shônen c'est rarement super classe sur le papier, généralement ça sonne plus comme une série B un peu bizarre plutôt que le dernier Fincher. Là où FMA excelle c'est dans le développement de ses personnages. Bien que certaines réactions restent obscures : la plupart des protagonistes parviennent à conserver leur aura tout le long du manga : Homenheim, Izumi, Mustang, Scar.. Les principaux acteurs de la série sont sujets à des analepses nous permettant de mieux saisir leurs motivations ainsi que leur philosophie. Les thématiques abordées sont crues et matures : génocides, transhumanisme, torture, l'homme comme objet d'expérience, sacrifice humain. Tant de thématiques qui relèvent d'une question fondamentale quant à la condition de l'homme, cet entrelacs : Matière ou Esprit ?

Le style graphique s'articule sur une reconnaissance rapide des personnages par des traits ou des objets caractéristiques. Oui c'est un des reproches qu'on peut faire aux mangas qui sont généralement des hebdomadaires au Japon : les dessins sont moins détaillés et l'apparence des personnages moins travaillée tout comme leurs expressions ; a contrario certains romans graphiques travaillés pendant plusieurs mois auront un véritable style graphique propre et reconnaissable. Ici on est dans du manga et c'est tout.

Tout n'est pas parfait non plus, certains dialogues sont plats,et le manga soulève le même soucis que j'avais développé dans la petite critique sur Titan A.E : le discours perd le lecteur. Cela est dû notamment à la difficulté qu'a le lecteur à identifier la cible du manga : jeune ou adulte ? Shônen signifie "jeune ado" à ne pas confondre avec le Seinen, autre type de manga qui s'adresse aux jeunes adultes. Ici FMA développe des thématiques qui échapperont aux plus jeunes mais met en scène parfois des personnages au caractère juvénile et des situations enfantines. Ceci crée alors une ambivalence dans le propos, empêchant les plus vieux d'adhérer à certains personnages jusqu'à les faire sortir de l'histoire, alors que les plus jeunes passeront à côté de toute la portée du manga et de l'intérêt de ses personnages ; parce qu'il n'y a pas que de la baston et des pouvoirs magiques dans le manga.

FMA constitue un bon point de départ pour découvrir l'univers des mangas, généralement considéré comme l'un des grands son titre est amplement mérité. Le manga monte en puissance jusqu'au dernier arc où le discours et l'ambition de l'écrivaine atteignent son paroxysme. FMA est une peinture critique d'une société corrompue vue des yeux d'un enfant qui a été contraint de grandir trop vite.