Dès les premières pages, Fun Home a éveillé ma curiosité comme peu de BD n’ont réussit à le faire. Le coup de crayon est assez simpliste sans pour autant négliger les détails, mais ce fut essentiellement l’écriture qui me happa pleinement. Chaque mot semble réfléchi et travaillé. Les allusions littéraires sont nombreuses et intéressantes donnant un aspect innovant à la narration.
Alison Bechdel va nous conter sa jeunesse et son adolescence un peu particulière dans une famille puritaine et distante, centrant son autobiographie plus particulièrement sur sa propre quête identitaire. Elle abordera des thèmes durs comme l’identité sexuelle notamment avec l’homosexualité, le suicide ou la mort. Elle s’interrogera longuement sur les comportements normatifs, sur les apparences, sur ce qu’il faut feindre ou affronter, donnant au roman graphique un aspect psychanalytique.
L’autobiographie va tourner principalement autour de sa relation au père, un être distant et rigide, avec lequel elle va avoir un rapport complexe oscillant entre l’indifférence et l’admiration. L’évolution de leur relation est racontée de manière captivante. De ce père qu’elle dit haïr étant jeune, elle montre comment elle finit par s’identifier et se reconnaitre en lui et comment deux êtres froids et distants peuvent s’unir et communiquer à travers la littérature.
La narration peut sembler un peu brouillon. On vogue inlassablement entre le passé et le présent, revenant plusieurs fois sur le même événement. Cette non-linéarité donne l’impression qu’Alison Bechdel nous raconte son histoire au fur et à mesure que ses souvenirs reviennent, au détour d’une photo ou d’une page d’un journal intime et apporte à chaque fois un peu plus de précision.
Systématiquement, chaque situation est comparée à une œuvre de Proust, Joyce ou autre, ce qui fait qu’on peut se sentir facilement perdu au milieu de toutes ses références littéraires. Cette sur-utilisation d’allégorie et de rhétorique peut apparaitre, pour certains, comme une masturbation intellectuelle et rentre la narration pénible.
Pourtant Alison Bechdel a réussit à me toucher à travers son roman graphique à la fois cynique et tragique.