Club Do(njon)

Des pièges en carton, des armes en mousse, des monstres en plastique et … de l’hémoglobine à gogo.

Quatorze ans après, l’esprit Donjon Parade a de beaux restes. C’est avec plaisir que l’on retrouve le quotidien du Donjon, grâce à une histoire à la fois pleine d’humour et bien tirée par les cheveux, dans la plus pure tradition des Donjon Parade. Sfar et Trondheim donnent l’impression d’avoir ressorti leurs vieux jouets et de bien s’être amusés avec, tant cet album fait référence aux anciens Donjon Parade et même aux premiers Donjon Zénith (le coup des tracts publicitaires envoyés à coups de poulets catapultés par exemple).

Garderie pour petiots sent en effet le fan-service à plein nez. Côté personnages, tout le monde est (presque) là (il ne manque que Métacarpe et Tabata pour être au complet). Côté décor, tout se passe entre les murs du Donjon et on retrouve des lieux que l’on n’avait plus vu depuis longtemps (la salle des vampires, la salle des boules de cristaux …), en plus de découvrir de nouvelle salles du Donjon (les latrines, les douches, le hall statuaire …). Côté ambiance, c’est bien crétin comme il faut, bien drôle, bien décalé et bien cynique.

Si Donjon Parade nous avait habitué à des aventures baignant dans un humour potache et bon enfant, Garderie pour petiots dénote à ce niveau-là, avec un humour bien plus trash et irrévérencieux. Au menu : enfants qui se font écrabouiller par les monstres du Donjon, qui tombent dans des pièges, qui s’empoisonnent au goûter ou qui se retrouvent orphelins de leurs aventuriers de parents, tués par des monstres pendant qu’eux s’amusaient à la garderie du Donjon … Je ne pensais pas que Trondheim et Sfar oseraient aller aussi loin dans le politiquement incorrect, mais le résultat est au final carrément jubilatoire ! On peut parier que les deux scénaristes ont bien du rigoler à l’écriture du scénario (en tous cas moi, ils m’ont bien fait rire !).

Cerise sur le gâteau, c’est le talentueux Alexis Nesme qui prend la suite de Manu Larcenet pour illustrer la série Donjon Parade, et le Donjon n’y perd pas au change. Si le dessin de Nesme est évidemment moins humoristique que celui de son prédécesseur (ce qui fait que l’humour passe dorénavant principalement par le texte, alors qu’auparavant simplement en regardant les dessins de Larcenet on pouvait d’emblée se marrer), celui-ci compense par une richesse et une profondeur unique dans la série Donjon. Possédant une technique assez lourde faite de couleurs directes, Nesme trouve avec Donjon le terrain de jeu idéal pour exprimer pleinement tout son talent. Son trait généreux crée une ambiance presque gothique au sein du Donjon, tantôt lumineuse, féérique ou angoissante. Le travail sur les jeux d’ombres et de lumières notamment est assez bluffant. Au final, le dessin somptueux de Nesme, à la fois très personnel et parfaitement adapté à l’univers Donjon, rend la série Donjon Parade encore plus attrayante.