Hakaiju
6.1
Hakaiju

Manga de Shingo Honda (2011)


Bien sûr, les grands disaient que les monstres n'existaient pas. Mais
elle savait que les grands mentaient toujours
- Sire Cédric, L'enfant des cimetières



Oui, ok, la note n'est pas vraiment objective...
Mais bon, entre nous, un manga avec des monstres dégueulasses qui tuent et bouffent les gens partout dans Tokyo ! Y'a de la prestance, là, non ?


J'aime les monstres.


C'est vrai, ça, quoi de plus classe que de créer une histoire avec un monstre en antagoniste principal ? Les plus grands films de genre sont des films de monstres. La culture-pop a d'ailleurs élu certains d'entre eux au panthéon de l'Histoire humaine tellement ils ont marqué leur média.
Parce que les monstres, au fond, qu'est-ce que c'est ? La peur primaire de l'homme de voir son quotidien et sa vie basculer dans l'étrange, le paranormal, le fantastique. Le fantastique nous fascine autant qu'il nous effraie, car il est représentatif de notre crainte d'un jour, la réalité telle que nous la connaissons se détraque et engendre des choses qui dépassent notre conception de la normalité.
Les monstres, c'est ça : C'est la personnification de nos pires craintes, notre peur de l’irréel.
Le monstre n'a rien de bien de différent de l'homme, car si ce dernier peut l'imaginer, le créer, lui donner vie au travers de récits mythologiques, de légendes séculaires et d’œuvres populaires, c'est parce qu'il n'est en fait que le reflet de son créateur : Nous nous créons nos monstres non pas pour nous créer des bourreaux, mais parce que nous nous évertuons à nous croire civilisés et "normaux", et préférons attribuer la barbarie à l'inhumain.
L'Humain n'a pas créé le monstre : l'Humain est le monstre.


Et même si le paragraphe au dessus n'est un peu que de la branlette intellectuelle, force est de constater que le manga illustre bien ce type de peur abstraite.


Imaginez, ne serait-ce qu'un instant, que du jour au lendemain votre patelin, la ville que vous côtoyez depuis toujours, dont vous connaissez chaque lieu, chaque rue, devenait le nouveau terrain de jeu de tout un tas de gros monstres dégueulasses dont la principale distraction, c'est de vous tuer et de vous croquer.
Flippant, n'est-ce pas ?
On est pas en face de militaires d'un pays ennemi; d'aliens civilisés et intelligents ou d'êtres venus d'une autre époque, y'aura pas de négociations, pas de repli, ni de reddition, non, non, c'est des putain d'horreurs énormes qui vous croquent la gueule pour leur 4h et c'est tout.
Vous savez, dans une fiction, il y a bien plus flippant qu'un méchant taré avec un objectif précis, ou un méchant taré sans objectifs, y'a aussi des méchants sans objectifs, sans paroles ni intelligence, des méchants qui n’obéissent qu'à leur instinct primaire et ne connaissent ni la peur ni la pitié : le requin des Dents de la Mer, les dinosaures de Jurassic Park, les loups du Territoires des loups, ça c'est des créatures flippantes ! Parce que c'est juste des animaux, des créatures sans conscience qui n'obéissent qu'à leur instinct primaire, tuer et bouffer !
Et puis, l'action se situe à Tokyo, mais l'histoire en elle-même est plutôt universelle, car elle pourrait se dérouler à Paris, à Marseille, dans Moncuq, que ça changerait rien au pitch de base : Une ville envahie par des monstres; aucune spécificité du folklore ou de la culture japonaise ne rentre en compte dans le déroulement de l'histoire, ce qui fait que les épreuves que traversent les protagonistes pourraient tout aussi bien arriver au lecteur (N'allez pas croire que je veux dire que c'est un manga d'anticipation, c'est juste que les événements décrits auraient pu arriver n'importe où).


Mais le comble de l'horreur, c'est que dans Hakaiju on est pas en face à des animaux que l'on connait, on est face à des monstres difformes, qu'il est impossible de mettre en parallèle avec des créatures existantes tellement ils sont atypiques et impressionnants, et à chaque fois que tu te dis que ça ne pourra jamais empirer, que nos héros ont traversé suffisamment d’épreuves comme ça, BAM !, on a une nouvelle créature dégueulasse qui apparaît pour prendre le relai ! Et à ce niveau là, l'auteur se fait plaisir ! Que ce soit des vers géants avec une mâchoire garnie de crocs s'ouvrant en fleur et doté de dizaines de petits bras eux-même pourvus de mâchoires; des insectoïdes avec des lames de 2m de long en guise de patte et projetant un venin qui fait exploser les zones du corps qu'il touche ou encore un putain de titan de 50m de haut qui dévaste tout le paysage juste en marchant, Mr Honda n'impose aucune limite à son imagination, et c'est ça qu'on aime ! Enfin, moi j'aime !
Y'a un petit coté Cloverfield avec cette histoire de survie dans un milieu ultra-hostile, et même un peu Godzilla avec tout un tas de monstres géants (mais genre vraiment monstrueux et vraiment géants !), et même un aspect lovecraftien avec les designs de certaines créatures, et ça j'aime bien.
Et pour le reste, c'est une histoire de survie pleine de courage, de volonté, nos héros arrivent bien souvent à s'enfuir au poil de cul près, n'importe quel personnage peut mourir n'importe quand, les scènes de batailles entre monstres sont épiquement chaotique, et c'est gore, très gore même.


Mais toutes ces choses ne seraient que pure fantaisie si le manga n’était pas servi par un dessin somptueux, sombre, réaliste, servant parfaitement l'histoire, avec des designs super biens trouvés et des scènes d'actions haletantes, cataclysmiques, où tout s'effondre et se déchire ! Quelques exemples, pour la forme :



Bref, Hakaiju, même s'il a parfois ses défauts (ou du moins on lui trouve des défauts, genre on nous explique pas assez de trucs, alors que c'est justement fait exprès pour laisser planer un voile de mystère sur l'origine des monstres), reste un excellent manga.
A lire.


J'aime les monstres.

Arkeniax

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