Voilà plus de cinq ans que Sfar et Trondheim avaient donné un coup d'arrêt à leur impeccable saga du "Donjon", avec le doublé "Septentrion" / la Fin du Donjon" (conclusion ébouriffante du cycle "Donjon Crépuscule", pour ceux qui suivent...)... nous laissant cruellement orphelins de cette épopée d'heroic fantasy pas comme les autres : grâce à l'aide d'une multitude de dessinateurs, autorisés, ou plutôt encouragés à s'approprier l'univers créé par Sfar et Trondheim en 1998, et à l'imagination délirante de nos deux joyeux drilles, il semblait à chaque nouveau tome que rien n'arrêterait l'expansion de ce Donjon aux ramifications spatio-temporelles démentielles.


Le plus grand bonheur de l'amoureux de BD en ce début d'année est donc le retour de Marvin le dragon colérique et de Herbert, le canard aux super-pouvoirs bien encombrants, avec un septième tome du volet "central" du Donjon, "Donjon Zénith", qui n'avait, en effet, lui, pas été conclu. "Hors des Remparts", toujours dessiné par un Boulet très habile sur la corde raide entre traits humoristiques et ampleur héroïco-fantastique, embraye directement où "Retour en Fanfare" nous avait laissés, nos deux héros partis en mission pour essayer de restituer le donjon à son légitime (?) propriétaire.


La première partie s'avère merveilleuse, Sfar et Trondheim baguenaudant sur les chemins de traverse de l'amour "rohmerien", avec - on ne se refait pas - un penchant scato qui désacralise bien les élans du coeur de nos héros : entre doigts qui puent, vomissements intempestifs et massage de l'anus, on ne fait pas dans la dentelle, mais, comme "à la grande époque", tout cela fonctionne comme sur des roulettes. Nous voilà prêts pour la partie épique du récit, avec la découverte d'un nouveau lieu magnifique, l’Insondable Tourbillon, siège des Pourvoyeurs Exécutaires, qui imposent LA LOI sur toute la planète grâce à un système d'Internet "primitif"... et donc d'autant plus frustrés par une résolution par trop rapide, voire bâclée, de la situation pourtant bien difficile de nos héros. Il y avait là matière à bien plus de pages, voire à un second tome, même si l'on comprend bien que l'un des aspects intéressants du défi que se sont lancés Trondheim et Sfar voici plus de vingt ans, c'est le respect de règles strictes comme le format (48 pages) d'histoires forcément complètes.


Les exégètes du "Donjon" seront en outre ravis de voir la fresque complétée de manière satisfaisante avec l'éveil de l'Entité Noire et avec pas mal de nouvelles informations sur le fonctionnement de cet univers qui n'en finit décidément pas de nous passionner. Les autres, qui ne sont que de passage, se sentiront certainement perdus sans boussole, mais riront de bon cœur devant l'humour absurde et souvent pince-sans-rire, et applaudiront devant le dynamisme des scènes d'action, parfaitement mises en scène par Boulet.


Bref, on continue comme si de rien n'était dans la droite ligne de la série, et on attend de pied ferme les prochains chefs d'oeuvre qui ne manqueront probablement pas à l'avenir.


PS : En parallèle, la fine équipe crée un nouveau volet de la saga, appelé "Donjon Antipodes", situé encore plus profondément dans le passé, sur lequel nous reviendrons très vite.


[Critique écrite en 2020]

EricDebarnot
7
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le 26 janv. 2020

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Eric BBYoda

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