Ne laissez pas cet homme jouer à Dragon Quest !

Je n'apprendrai sans doute rien à personne en disant que Hunter X Hunter est sans doute l'un des meilleurs shonen de ces 20 dernières années. Pourquoi est-il si bon au point de mériter de figurer aux cotés de FullMetal Alchemist et Jojo's Bizarre Adventure, me demanderez-vous ? Parce qu'à l'instar de ses illustres confrères, il a tout d'un seinen. Par de nombreux aspects, le manga tend plutôt dans la catégorie shonen, par ses personnages, ses affrontements et son univers, mais dans son ambiance globale, ses thématiques et la maturité de son écriture, on sent que Togashi a fait évoluer et murir son œuvre pour en faire une vraie histoire pour adultes.


Car HxH est un manga aussi inconstant que fascinant.
A ses origines, il se présentait comme une sorte de shonen classique, avec cet examen des Hunters, le héros qui s'entoure rapidement d'une bande de potes immédiatement reconnaissables, des rivaux, de l'action, de l'humour,... Mais déjà, le manga baignait dans une ambiance de mort, l'examen s'avérant un véritable combat pour la survie où tous les coups sont permis pour gagner. Ce n’était d'ailleurs pas pour autant que l'auteur se contentait de combats à la DBZ avec de la grosse bagarre à coups de poings et c'est le plus fort qui gagne, non, il y avait des tas de moments où les affrontements devenaient purement psychologiques voire rhétoriques. C'est d'ailleurs là que l'on entrevoit la filouterie de Togashi : Toujours désarçonner les attentes du lecteur. Mais on en était pas encore arrivés au point de maturation ultime.


Parce qu'après cela, le manga est encore assez gentil, les arcs de la demeure des Zoldyck et de la Tour du tournoi céleste restent dans cette démarche de shonen dans une ambiance qui lorgne plus vers l'horreur pour le premier et le manga d'arts martiaux pour le second. Au passage, c'est à partir de cet instant que l'auteur nous introduit le Nen, l'énergie vitale qui donne des super-pouvoirs comme dans tous les shonen, mais dont le fonctionnement complexe et les applications infinies démontrent une maturité et une imaginations incroyables ! La variété des capacités de Nen et toutes les tactiques inventées pour les contrer sont dingues, certains pouvoirs sont tellement pétés que ça nécessite 3 pages juste pour expliquer leur fonctionnement ! Même si ce foisonnement d'informations finit par devenir à la longue un handicap, mais on y reviendra plus tard.


C'est vraiment à partir de l'arc de York Shin CIty que pour moi le manga devient absolument incroyable ! Déjà parce qu'il introduit Kuroro Lucifuru, à mon sens le méchant le plus charismatique de tout le manga, mais surtout parce que l'auteur désamorce absolument tout : Uvoguine contre Kurapika ? Réglé en 1 chapitre. Les 12 membres de la brigade fantôme dont on s'attendrait qu'elle nous offre une flopée d'affrontements épiques contre Gon et sa bande ? Bah y'en a que 2 qui meurent, et même pas vraiment en se battant ! Le grand Kuroro dont Kurapika voulait se venger et qu'on se dit que l'affrontement serait digne d'Homère ? Osef, ça se règle par une prise d'otages. Et c'est comme ça tout le temps ! L'auteur casse toutes les expectations du lecteur et les piétine allégrement avec des bottes à clous ! La brigade fantôme, au départ présentée comme une bande de sociopathes sans cœur, deviennent au final assez touchants au yeux du lecteur. Les mecs, pour honorer la mémoire d'un de leurs membres tué par un agent de la mafia, vont quand même déclarer la guerre à toute l'organisation gangster de la ville et commettre un immense carnage, simplement parce que leur pote est mort ! Et leur chef qui est même indifférent à sa propre mort du moment qu'il sait que ses amis s'en sortiront, c'est tellement beau, tellement classe !
J'adore Kuroro, il a tellement de style !


Après cela, on continue avec l'arc Greed Island, qui sans déconner est pas mal chiant. Certes, il est rempli de très bons moments, comme cette partie de balle au prisonnier épique ou les entrainements de Gon et Kirua. Mais le reste... Pouah ! Des pages entières pour nous expliquer les règles du jeu Greed Island, un système de cartes qui au final n'est jamais vraiment exploité, un méchant sans personnalité qui semble avoir été rajouté au scénario à la dernière minute... Et puis toutes ces explications qui durent des pages, des pages et des pages, ces dialogues à rallonge qui s’éternisent. Y'avait des moments où j'en avais tellement marre de voir les personnages parler que je les suppliais de juste se taper dessus...
Togashi est en soi un bon scénariste, mais en ce qui concerne les descriptions de pouvoirs, les dialogues ou les petits apartés sur le lore du manga, il est clairement incapable de rendre cela simple et concis, du coup, on se retrouve avec des planches saturées de bulles de dialogues et d'encarts descriptifs jusqu'à l’écœurement. Alors certains me diront que c'est le prix à payer pour avoir un univers riche et complexe, et c'est juste. Mais bon, 30 pages pour nous décrire tous les états du Nen et toutes les techniques qu'on peut faire avec son aura alors que je lis un manga, une bande-dessiné conçue pour un rythme de lecture fluide et rapide, je trouve que ça fait un peu tache.
Mais à ce stade-là, on en arrive presque à la maturation finale.


Car ça enchaine direct sur l'arc des Kimera Ants.
Un arc qui non seulement désamorce tout, comme je l'ai déjà dit, mais se paye en plus le luxe de trainer les humains dans la boue comme jamais. Parce que quand on y regarde de plus près : Les Kimera Ants sont quasi-invincibles, prêts à tout pour protéger leur roi, capables de se multiplier à une vitesse folle, plus puissants qu'un humain normal, même l'homme le plus fort du monde a échoué à vaincre le roi Meruem. Au final, si les humains l'emportent, c'est plus par un gros coup de bol qu'autre chose. Je ne parlerai pas du personnage de Meruem, qui comme tout le monde l'a déjà dit est sans doute le personnage le mieux écrit du manga. Car dans cet arc, les humains deviennent petits, insignifiants, là où les Ants, d'abord montrés par Togashi comme d'horribles monstres anthropophages sans aucun état d'âme, petit à petit, s'humanisent et deviennent de vrais personnages tragiques, pleins de doutes, de questionnements sur eux-mêmes et leur condition, jusqu'à rendre leurs ennemis humains presque monstrueux. Gon, par exemple, qui à force de s'enfoncer dans la haine aveugle finit par devenir un demi-dieu de haine et de destruction, ne vivant que pour la vengeance, quitte à en payer de sa vie. Et finalement, l'humanité ne devra sa victoire, non pas à ses courageux héros qui parviendront à pourfendre tous les Ants, mais à la bombe atomique, invention démesurée dont la puissance dépasse même ses créateurs.
Bon sang de bonsoir.
Quelle écriture ! Quelle maturité !
On sent que les très, très nombreuses pauses prises par l'auteur au cours de la publication de Hunter X Hunter lui ont permis de peaufiner son écriture, de gagner en maturité. L'arc des Kimera Ants semble un peu l'aboutissement de toute cette réflexion.
Quel dommage que le dessin soit aussi inconstant. Quelles que soient les raisons qui poussent Togashi à prendre ses pauses et à repousser la sortie de nouveaux chapitres (Problèmes de santé, dépression, sortie d'un nouveau Dragon Quest,...), son trait varie de l'excellent au pur foutage de gueule. Certes, la mise en scène reste très fluide et le découpage brille particulièrement lors des scènes d'action, mais le niveau de détails, l'effort fourni pour dessiner les planches, tout ça a tendance à faire un roller-coaster. L'arc Kimera Ants est sans doute celui qui a le plus été victime de ce défaut.
Et quand on a atteint un pinacle pareil, comment après ? C'est simple, en mettant de coté ce qui a déjà été trop utilisé, et en se concentrant sur d'autres personnages.


C'est ainsi que l'arc des Élections se concentre sur Kirua, bien décidé à s'émanciper de sa famille d'assassins pour enfin faire quelque chose pour lui-même, accomplir enfin un acte de bonté même s'il doit ne plus jamais s'approcher des siens. La partie des fameuses élections passe clairement au second plan lors de cet arc, tant Kirua et sa relation avec Aruka finissent par nous émouvoir. La maturité que Togashi a acquise, il se montre assez généreux pour la transmettre à ses personnages, Kirua arrivant enfin à grandir et à se détacher de Gon, qui jusqu'alors était son meilleur ami et modèle.


A ce stade-là, tous les personnages principaux ont eu un accomplissement, ont atteint leurs objectifs.
Leolio a pu démarrer ses études de médecine, Kurapika a vaincu la brigade fantôme et vengé son clan, Kirua s'est émancipé de sa famille et Gon a retrouvé son père. Comment rebondir après cela, et est-ce même bien nécessaire ?
Ce sont sans doute là les questions que Togashi s'est posées après avoir bouclé l'arc des Élections. Aussi, en attendant de pouvoir redonner un but à chaque personnage qui les remotiverait à partir à l'aventure, il crée un arc de transition.
Car l'arc du Nouveau monde en cours augure clairement un vaste changement.
Dès le début, on nous apprend que la carte du monde de Hunter X Hunter n'est en fait qu'un petit fragment de la surface de la Terre, le monde des humains étant en fait encerclé par le Continent Maudit, colossale masse de terre où le danger est partout. Et déjà que l'arrivée d'une seule espèce du Continent dans le monde des humains a provoqué des millions de morts (les Kimera Ants), imaginez tout un autre monde rempli de bêbêtes tout aussi agressives que les humains viendraient visiter...
Actuellement, le manga se ressert autour d'une intrigue politique en huis-clos, Gon et Kirua sont mis de coté au profit de Kurapika et Leolio. Sans doute l'auteur a préféré mettre en pause l'histoire de ses 2 héros pour éviter de tourner en rond avec eux. Reste à savoir où Togashi va nous emmener avec cet arc de transition ou même s'il a encore quelque chose de pertinent à raconter avec Gon, Kirua, Leolio et Kurapika, ou si il va se contenter de tourner en rond.
Mais bon, le combat Hisoka-Kuroro me rassure sur la qualité de la suite !


Hunter X Hunter est un manga étonnant, qui a connu une publication mouvementée, dont les défauts graphiques et surtout narratifs découlent directement d'une trop grande ambition de son auteur, mais qui au final s'avère mature, intelligent et parfois même fascinant.


Bon, par contre Togashi, si tu pouvais lâcher ta manette plus souvent pour nous sortir tes chapitres, ça nous ferait bien plaisir.

Créée

le 12 oct. 2018

Critique lue 3.1K fois

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Arkeniax

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