Ici par Michaël Bruce

Il y a 26 ans apparu une histoire courte qui suscita beaucoup d'enthousiasme. Avec sa structure inhabituelle, 6 planches en noir et blanc furent suffisantes à Richard McGuire pour créer une petite révolution dans le milieu de la bande dessinée. L'idée de cette ébauche était pourtant simple : le temps qui défile en un seul endroit. En 2015, ce court récit est devenu un pavé de 300 pages qui n'a rien perdu de sa fascination. Au contraire, de par son concept et sa réalisation, chaque page est une expérience visuelle et sensorielle où l'on ne frise ni la redondance, ni l'indigestion.

Pourtant, quand on a pour la première fois entre les mains cet objet qui raconte l'histoire à travers les âges d'un seul et unique endroit devenu une pièce d'une maison, il étonne par sa simplicité. Quand le feuilletage fait place à la lecture, les plans fixes et souvent muets se succèdent dans une richesse et fluidité de temps qui stimule la réflexion. De ce même point de vue se superposent diverses scènes comme des fenêtres ouvertes sur le monde. Dans ce touchant voyage, les souvenirs fragmentés et les situations sans importance sont des indicateurs de notre humanité.

Le parti pris du style et des couleurs en tons pastels ne sont pas ce qui m'attire le plus dans l'univers de la bande dessinée, préférant par exemple plus de détails, de dynamisme, moins de recours à l'ordinateur, mais le dernier ouvrage de Richard McGuire reflète comme jamais la puissance de l'ordinaire. ICI est une expérience métaphysique que certains trouveront totalement vaine. C'est pourtant tout l'inverse. Indispensable.