Après l'excellent album semi-réaliste de Matthieu Bonhomme, c'est au tour de Bouzard de revisiter le mythe du lonesome cow-boy septuagénaire. Et puisque c'est bien sûr tout l'intérêt de l'exercice, il le fait dans sa veine, celle de l'absurde. Sous sa plume, Lucky Luke est un cow-boy bien volubile, qui se pose d'autant plus de questions que Jolly Jumper ne l'est plus, lui. Il s'interroge, et le lecteur aussi: ne serait-il pas un peu trop lonesome, justement?


"Lucky Luke, l'homme qui a eu l'idée de tirer sur son ombre": dès la quatrième de couverture, avec une petite phrase qui sonne à l'oreille comme la reprise d'un refrain connu, Bouzard donne le ton. Son scénario est à l'humour et son trait leste s'en accommode très bien. Il ébauche avec légèreté des visages familiers aux lecteurs de Morris. Un graphisme simple, presque naïf, mais qui ne démérite pas pour autant. On le retrouve dès la page de garde, notre cow-boy, en plein exercice de tir acrobatique. Bouzard s'approprie les codes qui ont fait le succès du personnage pour mieux les détourner. Il pioche largement dans le folklore du cow-boy solitaire, multiplie clin d’œil et références au fil des phylactères. Luke s'essaye à la mode et les gardiens de prison à l'humour. Bouzard sème la confusion pour le lecteur et pour ses personnages, aussi surpris que nous de voir leurs habitudes bousculées sans ménagement et leur petit monde mis sans dessus-dessous. Comme il est étrange de voir la fratrie Daton toujours rayée mais dépareillée!


Cependant l'exercice a ses limites. La rencontre avec le Luke bavard de Bouzard a déjà de quoi déconcerter le lecteur frileux ou peu friand de calembours un peu potaches. Mais surtout l'auteur se heurte très vite aux limites de son propre scénario, qui tient aisément sur une serviette de table. Le comique de répétition ne fonctionne pas toujours et certains traits d'humour tombent à plat, révélant les faiblesses d'un récit qui ne tient pas sur la durée. C'est un plaisir de retrouver dans ce tome le quatuor de gredins en tenue de bagnard et leur terrible môman, mais c'est au détriment d'un Jolly Jumper qu'on oublie un peu en court de route.


Bouzard s'est bien amusé, et le lecteur s'amuse aussi. Mais en refermant l'album, on se dit qu'il est bienvenu qu'il ne soit que ce qu'il est: un hommage plein de bonne humeur et sans complexe, un exercice de style qui lorgne du côté de la parodie et redonne quelques couleurs à un Lucky Luke qui a bien souffert ces dernières années.
Un Lucky Luke qui n'a jamais été aussi à l'Ouest que sous les coups de crayons de Bouzard!

Cocolicot
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le 3 juil. 2017

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