Derf Backderf revient avec un récit qui ne ressemble à nul autre. Le dernier en date, True Stories, se voulaient satiriques mais ne reprenait que ses premiers travaux, déjà excellents. Trashed usait du rire comme critique tandis que Mon ami Dahmer nous mettait mal à l'aise face à la naissance d'un tueur en série. Mais Kent State ne se permet pas le mauvais goût de l'humour, et joue sur une corde différente que Dahmer. Backderf use de son don pour mettre en scène des jeunes gens de la vingtaine pour retranscrire l'accident de Kent State.
Backderf nous narre ainsi les portraits des différents protagonistes qui auront une place macabre dans ce récit. Des manifestations au cours jusque dans leur vie de tous les jours, nous suivons ces étudiants aux chemins tous différents, mais tous révoltés à différents degrés contre la guerre du Vietnam et les ambitions guerrières de Nixon.
L'auteur parvient à des moments-clés à intégrer une documentation complète et lisible sur les différents groupes étudiants, manifestants, ou de l'armée, ainsi que chaque personnalité, de manière à guider le lecteur dans ce moment d'Histoire.
Pas à pas, page après page, nous sentons l'étau qui se resserre. La lecture devient de plus en plus oppressante, conscient de la détonation à venir. Nous suivons les accidents, les bévues, les erreurs de parcours, la colère montante des deux cotés. Backderf a l'intelligence de ne pas se greffer sur un seul camp. Il prend le temps de raconter les conditions de vie, la pression auquel était soumise l'armée. Comme avec Dahmer, l'auteur n'excuse pas, mais explique.
Ainsi, lorsqu'arrive l'instant, nous sommes aux cotés des étudiants, furieux et apeurés par les comportements armés à leurs égards. Nous comprenons l'injustice dont ils sont victimes. Et c'est dans ce climat que nous assistons, impuissants, à l'horreur de ce qu'il s'est passé, puis à la lâcheté humaine qui suivi cette débâcle.


Pour son nouveau récit, Backderf fait fort, très fort. A nouveau, il prouve qu'il est capable de raconter une histoire forte en jouant sur un autre ton. Affirmant lui-même témoigner d'une époque qui se reflète avec celle de son récit, l'auteur nous rappelle à quel point les horreurs de l'Histoire peuvent se répéter, et la manière dont ils se construisent. Pas après pas, page après page.

Gzaltan
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le 9 oct. 2020

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