Ce jour-là, l’humanité s’en est souvenue. La terreur d’avoir été dominé, et la honte d’avoir été mis en cage.
Dès le tout début, Snk met en avant ce qui pourra être considéré comme sa thématique principale : l'oppression. L’histoire qui nous est racontée est celle d’une humanité ayant été quasiment décimée, et obligée de se retrancher entre ces grands murs pour se protéger de ces prédateurs à l’origine inconnue : les titans. Mais le jeune protagoniste, Eren, ne voit pas les choses de cette façon. Pour lui, les murs sont avant tout une cage qui l’empêchent de profiter de sa liberté, une valeur qu’il considère comme fondamentale et à laquelle tout le monde devrait avoir droit par principe. Depuis que son poto Armin lui a parlé du monde extérieur et des possibilités infinies dont il recèle, il ne souhaite plus qu’une chose : pouvoir y accéder. C’est pour cette raison qu’il cherche très tôt à intégrer le bataillon d’exploration, une unité mise en place pour explorer ce monde inconnu et peut-être une fois pour toute mettre un terme à la menace des titans. Car si Eren déteste autant ces murs, la vraie menace reste ce qui se trouve au-delà, et notre protagoniste est persuadé qu’un jour ou l’autre les murs ne suffiront plus à les protéger. Malheureusement pour lui, le destin lui donnera raison et c’est avec l’arrivée d’un titan mystérieux et beaucoup plus grand que la moyenne que les murs seront finalement brisés, laissant une pléthore de titans entrer et dévorer cruellement la population.
“Je les exterminerai tous, jusqu’au dernier !” se mettra alors en tête Eren, cette obsession faisant figure de quête idéologique Shonen comme on a l’habitude d’en voir un peu partout.
Après ça, l’histoire continue à avancer.


De loin on pourrait penser qu’on aura affaire à une histoire post apo de lutte entre l’humanité et un remix de zombie, mais on a droit à un registre bien plus varié. Contrairement à The Walking Dead par exemple, qui est pas mal axé sur l’aspect psychologique (peut-être au détriment d’une vraie ligne directrice), snk a vraiment un plot et un univers travaillés au peigne fin, on sent que l’auteur veut raconter quelque chose. Dès le début, l’univers est très mystérieux et donne envie de comprendre. D’où viennent les titans, pourquoi ont-il soudainement cassé le mur, pourquoi il y en a un plus grand que les autres, et que se cache-t-il dans la cave bon sang ?
L’histoire est donc passionnante à suivre pour son intrigue mais pousse aussi à se poser plusieurs questions sur un plan plus thématique, notamment sur le sens de la liberté ou de la vérité. Mais ces thématiques pourtant variées sont traitées sous un même prisme, et tout parvient à être partie de la ligne directrice et du propos du manga.


Une des grandes forces de snk, c’est sa structure narrative. Alors que les personnages en découvrent peu à peu plus sur leur monde, l’histoire change et chaque arc amène de nouveaux éléments scénaristiques sans que ça ne semble inconvenu, car tout est très bien mis en place. Je vais faire rager les Blablabug et autres BeetleMagus mais le FORESHADOWING est incroyable, on n’est pas dans un cas où l’auteur place des trucs un peu au pif pour pouvoir dire ensuite “regarde, il y avait des robots à la télé et maintenant il y a des robots pour de vrai dans l’histoire ! wow !”. Ici les révélations donnent vraiment une nouvelle vision de tout ce qu’il y avait avant, et relire le manga après avoir bien avancé est presque une nouvelle expérience car tout est interconnecté, certains événements, certains dialogues, ne peuvent être pleinement compris qu’après avoir reçu les clés des tomes plus tard. Alors oui, snk n’est pas le seul à faire ça, mais je crois n’avoir rien vu d’autre le faire aussi bien.


Un autre point très réussi est l'horreur. En plus d'une violence assez crue et réaliste qui marche souvent bien, celle-ci fonctionne beaucoup sur la base de l'incompréhension de la menace. Tout comme les Beta de Muv-Luv (dont l'histoire s'inspire), les titans sont une entité avec qui la communication est impossible, qui semblent fonctionner en suivant leur propre logique, différente de la logique humaine, donc flippante. Lorsque la communication est possible, on peut éventuellement trouver un terrain d'entente, mais si l'ennemi est trop différent, alors il n'y a pas d'autre choix que de se battre. La peur de ce qu'on ne peut pas comprendre est plutôt bien retranscrite tout au long de l'histoire grâce à la manière dont elle se renouvelle, et fait partie des thématiques traitées.


Même après les révélations de la cave, ce sentiment parvient à être gardé en changeant le point de vue et en rendant le comportement d'Eren, le protagoniste, complètement incompréhensible sans qu'on nous explique pourquoi pendant de nombreux tomes. Dans les chapitres plus récents, l'apparition de l'organisme chelou dans l'arbre ou la conversation dans l'axe au chapitre 133 sont assez glaçants et toujours pas expliqués.


D’un point de vue personnel, j’ai été très touché par l’aspect foncée vers l’inconnu qui porte en grande partie l’histoire. Le côté mystérieux de l'univers parvient à maintenir une hype assez constante (et moi j’aime beaucoup les mystères, merci Ryukishi07), on peut à plusieurs reprises se demander quelle nouvelle idée folle va venir changer notre perception des choses. Il y a toujours une impression qu’on en sait pas assez et que le cœur de l’histoire reste inaccessible, comme si on nous cachait les clés les plus importantes. L'histoire fait donc appel à notre imagination, en laissant parfois des éléments qui pourraient se révéler pleins de sens (la fin du chapitre 131...), mais qui restent assez subtils pour surtout susciter des questions. Soulignant à quel point on est encore ignorants sur le récit, finalement. Et à quel point on peut donc, comme Eren et Armin, rêver de possibilités.


Le reproche principal que j’aurais à faire envers l’histoire concerne son traitement des personnages qui n’est pas très approfondi (surtout au début). La plupart parviennent à être un minimum attachants et bien écrits, mais on sent qu’ils ne sont pas le focus et qu’ils servent surtout leur fonction de pion pour l’intrigue qu’Isayama veut raconter, on a souvent le strict minimum sur eux. Certains événements importants ont du coup un impact qui peut être réduit sur le moment (comme la fin du tome 10) mais en général on a droit à une dose de dev à posteriori qui rend le tout très bon rétrospectivement, comme je l’ai écrit plus haut c’est vraiment une histoire où tout est dépendant du reste. Même si un focus un peu plus “personnel” sur les persos aurait été appréciable, on sent qu’ils sont tous écrits comme des vrais humains et l’histoire reste assez éloignée du manichéisme.


Petit apparté spoil (du manga) mais :


Je trouve l’idée du “cycle” très bien foutue, l’histoire appuie bien le fait que les tragédies se répètent, qu’au fond les crimes présents sont largement dépendants de ceux du passé (puis du futur youhou), et que personne, vraiment PERSONNE, n’a un total libre arbitre. On ressent donc l’oppression non plus seulement physiquement comme avec les murs ou la menace de la mort, mais d’une manière plus abstraite, presque déterministe. De la même manière que tout est interconnecté dans l'histoire, peut-être que dans l'univers aussi rien ne peut être pris en soi, chaque élément individuel étant une partie du tout. Mais si toutes nos actions et pensées sont construites sur et dépendantes d'une base extérieure, alors à quel point peut-on se dire libre ? Le traitement d'Eren sur ce point est brillant (bien que j'aurais aimé plus de scènes de son point de vue), et j'ai hâte qu'Armin et lui entrent enfin en COLLISION pour avoir le fin mot de cette histoire.
La plupart des persos principaux n'ont pas de mauvaises intentions mais se retrouvent à faire le mal à cause d’une influence extérieure ou de leur manque d’information. Si Grisha avait su ce qu’était le prix de la liberté, il ne l’aurait pas payé, et si Reiner avait su à l’avance les remords qui l’attendaient, il n’aurait probablement pas brisé le mur. Je disais plus haut qu’on nous cachait beaucoup de choses, et c’est un parti pris vraiment cohérent avec la place que prend l’ignorance dans les thématiques du récit. Et j’en profite pour ajouter que la rédemption de Gabi qui se rend compte que toutes ses convictions étaient fausses est vraiment splendide, merci.
(Petit instant théorie, mais je pense qu’Eren devra lui aussi payer le prix de la liberté, et qu’en plus de la culpabilité, il n’est peut-être même pas conscient qu’il est sur le point de tuer tous ses amis en pensant les protéger. Ce serait vraiment très fort.)
Ce qui m’impressionne aussi avec ce cycle est qu’on ne sait pas où il prend ses racines et le manga prend un malin plaisir à brouiller les pistes, une fois de plus. Est-ce que ça a commencé quand Grisha est sorti de l’enceinte des murs ? Ou alors quand Eren a vu sa mère se faire dévorer ? Ou bien encore quand Ymir a libéré les cochons ? Même Eren l’ignore actuellement, et compte tenu de son statut actuel ça veut dire beaucoup. Si cause originelle il y a (et je pense personnellement qu’il s’agit des clés pour comprendre l’histoire dans son entièreté) alors je suppose qu’elle doit se situer tout à la fin de l’histoire en vérité, c’est ce que les dernières révélations tendent à faire penser. En tout cas la hype est là.


Je ne vais pas m’étendre sur le dessin parce que j’ai pas grand chose d’intéressant à dire dessus, mais voilà très qualitatif on sent l’évolution du début à la fin, wow.


Dans tous les cas, Shingeki no Kyojin est devenu au fil du temps une de mes histoires préférées, très inspirante, il y a beaucoup à dire dessus mais je préfère attendre que tout soit fini pour écrire quelque chose de plus conséquent si j’ai pas la flemme. J’attends avec impatience la conclusion qui s’annonce énormissime, et je vous recommande chaudement d’essayer la série si ce n’est pas déjà fait !


EDIT : "si j’ai pas la flemme" bon bah bonne nuit hein

YoshiBlade
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le 23 déc. 2020

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YoshiBlade

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