Du Lemire croisé Lemire c'est une saga comics pur jus

Lemire est un auteur qui mène depuis plusieurs années une double vie. D'un côté il scénarise de nombreux comics de super-héros, les créant de toutes pièces ou se montrant digne héritier d'une grande lignée : de façon très récente il s'est par exemple consacré à Wolverine avec un tout nouveau Old man Logan. Et d'un autre côté il y a l'auteur biographe qui présente souvent des destins torturés, des schémas familiaux complexe et cette petite touche dépressive que l'on n'a jamais trouvé aussi belle sans jamais tomber dans le pathos. Avec Black Hammer dont le deuxième tome vient de paraître, il semble concilier ses deux orientations. Si sur le papier le pari était risqué, le résultat s'annonce comme étant une de ses oeuvres majeures. Pour preuve, le premier tome était sélectionné au festival d'Angoulême, quelques mois après sa sortie française.

L'histoire prend place dans une bourgade américaine, campagnarde, un peu celle dans laquelle a pu grandir Clark Kent. Le lecteur découvre une famille compliquée, et pour cause, chacun de ses membres n'est pas qui il semble être. Dans un autre monde parallèle, ils étaient des super-héros, tombés au combat face à l'Anti-Dieu ils ont été condamné à vivre dans notre monde, sans moyen de retour. Une héroïne mature et tourmentée se retrouve par exemple à vivre dans un corps de pré-ado...pendant ce combat qui leur a été fatal, il était aussi question d'un leader, "Black Hammer" dont on fait la connaissance au fur et à mesure et dont le fantôme n'a pas fini de perturber ses collègues n'arrivant pas à mener une vie normale.

Le deuxième tome est encore meilleur que le premier, dont on attendait un peu de voir quelle direction allait prendre l'intrigue. Non seulement ça décolle, mais en plus ça décolle de façon originale. Lemire propose encore une fois ces allers et venues entre différents mondes, entre différentes époques (ils sont rares, les auteurs qui savent manier l'ellipse avec autant de souplesse et de fluidité) et vient posé ses personnages à un niveau presque identique à celui des Watchmen. C'est innovant, c'est attachant, il y a ce qu'on aime du comics de super-héros sans pour autant qu'on ait l'impression de relire encore une fois la même chose. Le dessin quand à lui est assez classique, très concentré sur l'expressivité des visages notamment et encore un dernier point fort à mes yeux : les couleurs choisies pour illustrer le passé des super-héros arrivent à faire référence aux grands classiques en donnant une touche vintage qui ne manque pas de style sans pour autant jurer, et ça, c'est un vrai plaisir.

Si vous voulez faire connaissance avec le versant "super-héros" de Jeff Lemire, je pense que c'est par là qu'il faut commencer.