Une nouvelle fois, Renaud Dillies retrouve ses compères Régis Hautière au scénario et Christophe Bouchard à la colorisation pour nous transporter dans son univers de prédilection, l’enfance, sous l’angle du conte animalier où la poésie tient une part majeure. A peine remis de son sublime « Abélard », d’une tendresse infinie, auquel succédait de façon honorable « Alvin », sans toutefois égaler le récit d’origine, nous attendions toujours la petite perle d’émotion digne de succéder à son « ours mal léché » et pourtant si attendrissant…


Graphiquement, les deux univers et leur touche enfantine sont très proches, mais là où « Abélard » contenait un propos plus adulte, davantage d’âpreté et de « gros mots », « Le Clan de la rivière sauvage », en tout cas dans ce premier tome, s’adresse clairement à un public plus jeune, le récit mettant en scène de façon très classique une petite bande de gosses qui vont vivre une aventure extraordinaire, une trame qui n’est pas sans rappeler celle de « Peter Pan »… La narration fonctionne selon une structure de récits enchâssés, avec une jolie trouvaille alliant l’esprit du conte et la magie : un livre très spécial qui permet de vivre les histoires plutôt que de les lire, telle une clé ouvrant la porte vers des mondes parallèles. L’histoire de pirates narrée par le vieux conteur va prendre progressivement corps – et les enfants vont se retrouver projetés en tant que personnages de l’aventure. Si le thème est plutôt alléchant, il faut bien avouer que le récit met un peu de temps à se mettre en place. Et, alors qu’au moment où tout bascule (à la moitié du livre tout de même…), le lecteur risque bien de rester sur sa faim, voire étonné devant le peu de relief narratif. Cette histoire de pirates s’avère plutôt conventionnelle, assez peu passionnante, tandis que la charme et la poésie font cruellement défaut.


Le dessin opte pour une ligne plus claire que pour « Abélard » mais les personnages sont similaires, et Choco évoque immanquablement une version enfantine du héros du diptyque précité. De même, les couleurs sont plus variées et plus vives, confirmant la cible jeunesse de l’ouvrage. En revanche, on sera peut-être moins séduit par le personnage tout bleu de Zaki, peu expressif, dont on n’arrive pas bien à définir s’il s’agit d’un oiseau ou d’une souris à plumes, d’un vague cousin extra-terrestre des Schtroumpfs ou d’une entité évadée d’un tableau abstrait (ce visage bizarrement longiligne…), ce qui échoue à susciter l’empathie, produisant même une sensation un rien désagréable.


Pourtant, on évitera d’être trop sévère, préférant croire que les auteurs redresseront la barre dans le deuxième tome (s’agira-t-il d’un autre diptyque ou d’une série en plusieurs tomes ?) et sauront nous convaincre que celui-ci sera à la hauteur de nos attentes et de l’estime que l’on porte à ces auteurs. De façon générale, l’imagination est bel et bien présente, mais la construction globale s’avère moins convaincante, un peu bancale, avec une vague impression d’inachevé.

LaurentProudhon
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le 24 oct. 2021

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