Superbe western mystique

Dans l'univers du western, L'odeur des garçons affamés est un peu un ovni. Le personnage principal n'est pas un as de la gâchette mais un photographe homosexuel, au passé trouble. Il y a bien des menaces, des indiens et des coups de feu tirés, mais pas de grand méchant hors-la-loi qui terrorise une petite ville – en fait, il n'y a même pas de petite ville. L'époque est celle du tout début de la conquête de l'ouest, à la fin de la guerre de sécession.

Les protagonistes évoluent donc lentement dans un paysage complètement sauvage, presque vierge de présence humaine. Les territoires des grandes plaines, encore inviolés, sont le lieu où se déploie une magie mystérieuse, en lien avec une nature puissante, mais aussi des sentiments tout aussi sauvages et insoupçonnés. Comme dans tout western, il existe une tension entre la sauvagerie et la civilisation. Mais son rapport est ici inversé par rapport à d'habitude. Là où on célèbre généralement la geste de la modernité à l'assaut des grands espaces, les auteurs ont adopté un point de vue romantique qui idéalise un retour à l'état de nature, plutôt que la domestication de celle-ci, présentée comme un rapport de domination viril et pervers.

Cette intrigue originale de Loo Hui Phang est servie par un dessin absolument fabuleux de Frederik Peeters, dans une alternance de lavis bleus et rouge très soignée. Ce quasi noir et blanc rend parfois certains détails du dessin difficiles à saisir, mais crée une esthétique envoûtante.

L'odeur des garçons affamés est une lecture assez exigeante. Dans l'ensemble, j'ai senti que des choses m'échappaient, et il m'a fallut me replonger dedans pour mieux comprendre. Mais en même temps, ça ne m'a pas empêché d'apprécier une première lecture sans prise de tête. C'est donc un récit qui réalise l'exploit de rester accessible, tout en étant profond. Chapeau bas.