Pour les adeptes de croque-mort pas comme les autres...

Lors de la sortie de son premier tome, Undertaker était accompagnée d’une élogieuse comparaison avec la légendaire série Blueberry. Un retour en grâce du western était annoncé ! La présence de Xavier Dorison au scénario et de Ralph Meyer me faisait espérer que cet argument publicitaire s’appuyait sur une réalité. En effet, le travail des deux auteurs sur Asgard avait offert immersion dans l’univers viking particulièrement captivante.


La rencontre avec Undertaker dans Le mangeur d’or a répondu aux attentes éveillées. La filiation avec l’œuvre de Jean-Michel Charlier et Jean Giraud n’était pas feinte. L’aridité des lieux, des personnages et de la vie locale plonge immédiatement le lecteur dans un Ouest sauvage envoûtant. L’ensemble offrait un espace d’expression épanouissant pour le héros qui prenait les traits d’un croque-mort au passé trouble et aux us et coutumes peu traditionnels.


Lors du premier diptyque, Jonas se voit confier une bien curieuse mission. Un riche propriétaire en fin de vie décide de se suicider en avalant toute l’or qu’il a accumulé au cours de sa vie. Ce dernier engage l’« undertaker » pour mener son cadavre au plus profond de la mine qui a fait sa fortune. Cela lui permettra de reposer auprès de son trésor. Pour cette entreprise, Jonas n’est pas seul. Il est accompagné par deux employées du mort : Rose et Lin. Est-il besoin de préciser que les ouvriers miniers apprécient modérément la dernière lubie de leur désormais ex-patron ? Jonas et ses acolytes vont donc devenir la proie d’une véritable chasse à l’homme et à l’or. Cette histoire s’étale sur deux tomes et s’avère une belle réussite tant narrative que graphique. C’est avec joie que j’avais découvert qu’un troisième tome verrait le jour. C’est d’ailleurs ce dernier qui est le sujet de ma critique du jour.
Dans L’Ogre de Sutter Camp, nous retrouvons le trio que nous avions appris à connaître précédemment. A priori, Rose et Jonas jouent s’entendent toujours comme chiens et chats et Lin sert toujours d’arbitre à leurs nombreux désaccords. Leurs pérégrinations les amènent dans une demeure touchée par le décès de la maîtresse de maison. Alors que la cérémonie se déroule, le veuf fait une crise qui replonge Jonas dans une partie obscure de son passé. L’Ogre de Sutter Camp est toujours vivant et il apparaît irrémédiable de mettre fin à ses crimes. C’est ainsi que nos trois héros flanqués d’un vieux général amputé se mettent sur la trace d’un personnage mystérieux mais particulièrement angoissant…


Au plaisir de retrouver tout ce petit monde se mêlait des interrogations. Cette seconde aventure allait-elle être à la hauteur de la précédente ? Allait-elle se contenter d’être une suite ou allait-elle posséder son identité propre ? C’est la réponse à ce genre de questions qui permet de savoir si Undertaker est vouée à être un représentant important du western dans le neuvième art. Bon nombre de séries n’ont jamais su conserver la qualité qui habitait leur premier opus.


Les premières pages nous (re)présentent à nouveau les personnages principaux avec humour et efficacité. Jonas est fidèle à lui-même. Son sens des valeurs bien personnel est en conflit permanent avec celui de Rose qui s’évertue à tenter de ramener son acolyte sur des sentiers plus vertueux. Pendant ce temps, Lin observe le couple infernal et ne perd jamais de vue qu’il est temps de faire rentrer de la caillasse dans les poches. Il n’est pas nécessaire d’avoir lu leurs précédentes aventures pour tomber sous le charme de cette curieuse communauté. Leur équilibre est un modèle du genre. Ils sont drôles et touchants à la fois tout en ne reniant jamais la dureté et la violence du quotidien dans ses contrées.


L’apparition de l’Ogre dans les élucubrations du général donne immédiatement une aura mystique à ce monstre. On ne le connaît qu’à travers les échanges entre Jonas et le vieux militaire. Ils en disent finalement assez peu. J’ai eu le sentiment qu’il n’osait pas en évoquer davantage de peur de faire jaillir des horreurs d’une boite de Pandore. La dimension mystérieuse et angoisse qui accompagne l’Ogre dans la première partie de l’ouvrage est remarquablement mis en scène par les auteurs. Elle rend la lecture captivante. La part d’inconnu et la fuite en avant qui envahissent la quête du quatuor alimentent de manière continue notre curiosité.


Mon souci de ne pas vous gâcher la lecture et de faire trop de révélations, je trouve que la seconde partie possède un ton psychologique assez original et imprévisible. Les relations et les rapports de force entre les personnages sont riches et complexes. La frontière entre le bien et le mal a rarement été aussi inexistante et il est bien difficile d’associer une quelque moralité ou justice aux événements qui s’enchaînent. Cela offre une lecture prenante et par moment oppressante.


Avant de conclure ma critique enthousiaste, je me dois de tresser des lauriers à Ralph Meyer pour la qualité du travail d’illustration fourni. Les planches sont splendides. Chaque case est un petit bijou qui apporte son écot dramatique à l’ensemble. Les décors sont fabuleux. L’aridité d’un désert, une nuit sous la pluie, une forêt peu accueillante… Tous les lieux sont criant de réalisme et happent sans mal le lecteur.


Vous l’aurez compris, je vous conseille vivement de partir à la rencontre de Jonas, un croque-mort pas comme les autres. Vous deviendrez vite addictif au parcours de ce personnage qui ne rentre dans aucune case qui, malgré les apparences, possède un sens des valeurs qui ne peut pas laisser indifférent…

Eric17
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le 2 avr. 2017

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