C'est absurde !

Godi et Zidrou semblent avoir une dent contre l'école, voire le système éducatif. Parce que le héros est un "cancre à rayures", digne d'une espèce animale sauvage lâchée en son sein ? Parce que Léonie Gratin, sous ses airs d'intello bosseuse compulsive, fait office d'antagoniste vêtue de sa robe rouge et affublée par les auteurs de ses innombrables bulles hurlantes ? Parce que Ducobu et Latouche se livrent une éternelle guerre entre l'enseignant austère et l'élève à l'attitude profondément anarchiste ? Peut-être.
L'essentiel de la critique provient du fait que l'école est un institution absurde.

• C'est absurde, car l'école n'apprend rien. Ni à Léonie Gratin, qui même du haut de ses 10 sur 10, ne passera jamais dans la classe supérieure et s'avère condamnée aux mêmes rengaines éducatives, ni à Ducobu, dont le système éducatif n'arrive à rien faire, éternel zéro pointé. Même lorsqu'il révise ses sempiternelles tables de multiplication, l'entreprise est vaine car Latouche reste persuadé de la tricherie, et cela quand il ne parvient tout simplement pas à les retenir. Toujours la même opération au résultat sensé mener au sens de la vie (42), toujours la dictée à l'orthographe et aux mots techniques aussi inutiles qu'infernaux, très rarement autre chose.


• C'est absurde, car l'école n'est qu'une spirale infernale. Pourquoi Latouche favorise-t-il le travail de Léonie qu'il saura toujours impeccable, mais n'aide-t-il jamais Ducobu, et préfère-t-il toujours l'envoyer au coin avec son inséparable bonnet d'âne ? Pour maintenir la distinction des forts et des faibles ? Même en connaissance des 280 de Q.I du Duc, il préfère garder l'information confidentielle. Chacun est condamné à conserver le statut assigné et constaté par le corps professoral.


• C'est absurde car l'élève sait plus que le maître. Latouche, en professeur bien strict et austère, ne sait que noter d'après des standards préétablis, tandis que Ducobu préfère mettre dans sa copie d'histoire des événements, pour confidentiels qu'ils soient, donnent une vision idéalisée du monde, sans que Latouche ne puisse répondre à son éloquence. Quel que soit la leçon ou le devoir auquel Ducobu refuse de se plier, Latouche révèle sa faiblesse d'esprit en pétant systématiquement une durite, au lieu de donner son 0 à son élève, ou le cas échéant engager un véritable dialogue.


• C'est absurde car l'école est formalisante. Au travail, à la pensée unique de l'utilité de l'école, et à la connaissance abstraite, enfin à une connaissance de forme, sans véritable fond. Quand Ducobu souhaiterait la disparition de l'école, Léonie lui rétorque que sur l'île d'Analphabétia, il n'y a "pas d'école, pas de devoirs... l'enfer, quoi !", sans être plus capable que ça d'expliquer pourquoi c'est l'enfer. De même quand le Duc demande à Latouche à quoi sert de savoir écrire sans faute : "Mais je ne sais pas, moi !" Curieuse manière d'enseigner...

Même si cette BD n'est pas un plaidoyer en faveur de la cancritude, et si certains de ses messages ont au demeurant une petite part de vérité, ses prises de position n'en demeurent pas moins claires et particulièrement stéréotypées. Pourquoi les bons élèves devraient-ils être aussi psycho-rigides, si peu idéalistes, et souvent si vaniteux ? Pourquoi le cancre est-il, malgré son inculture manifeste (Rik Spoutnik est-il vraiment une référence fiable ?) et sa fainéantise flagrante, celui qui connaît mieux la vie que son entourage maladivement obsédé par l'école et par l'idée risible de faire ses devoirs ? Pas plus que les caractères des personnages, leurs idiosyncrasies ne se prennent vraiment au sérieux dans une BD ne demandant finalement que ça.
Le tout bien sûr enrobé dans un style graphique franchement austère, mais même pas toujours pour les bonnes raisons.

Un peu de sérieux, MM. Godi et Zidrou, s'il vous plaît.