L'Essai
7.2
L'Essai

BD (divers) de Nicolas Debon (2015)

Entrez dans ce laboratoire de l'Humanité !

Le grand intérêt de cette oeuvre est de nous raconter "cet essai", cette tentative folle de proposer un autre monde et de le créer par les actes, une pioche à la main. On voit peu à peu cette communauté émerger de nulle part, l'émulation qu'elle suscite autour d'elle, son ambition démesurée pour construire matériellement, de fait, un monde qui serait libéré de toute autorité, du joug de tout autocrate. Le récit est sincère, et s'il rapporte la volonté de fer des colons qui surmontent toutes les calamités, il n'omet pas les limites égotistes, les antagonismes au sein de la communauté, et la chute progressive de l'utopie.


Graphiquement c'est assez intéressant, pour exemple, la première de couverture est sublime: elle montre cette clairière, quelques colons qui portent une longue poutre de bois taillée à même l'arbre. Sinueuse, biscornue, tordue, rebelle, la bille de bois indomptée évoque déjà la détermination frondeuse des habitants de la clairière. Au fil des saisons dans ce bois proche d'Aiglemont, le lecteur plonge avec bonheur dans des cases et des planches sublimes. Mention spéciale au découpage, intelligent.


Malheureusement on reste parfois spectateur de cette beauté: les planches enneigées sont superbes, dessinées avec un trait authentique, mais à la limite de la carte postale; la beauté incontestable se dessine alors malheureusement au détriment du viscéral. Il montre beaucoup plus qu'il ne raconte. Et dans les rapports humains, le style graphique, intéressant et très personnel, empêche néanmoins toute empathie, toute identification, ne laisse pas transparaître l'émotion, ni l'intention, ni le regard.


Scénaristiquement, on reste en surface. Comparativement, je pense que le lecteur est d'avantage impliqué par les entretiens dessinés, le style parlé et l'empathie du diptyque La Communauté de Benoît et Tanquerelle (même si plus important en nombre de planches, et donc plus adapté au développement du récit). Ici on reste à l'écart, le ton est solennel, parfois très sérieux.


Une BD incontournable de 2015, un dessin très authentique, un épisode fascinant de l'Humanité, j'aurais adoré un récit moins factuel, et un trait et un angle de récit plus viscéral.

Jib
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleures BD de 2015 et Les meilleures BD franco-belges de 2015

Créée

le 27 juil. 2015

Critique lue 285 fois

1 j'aime

Jib

Écrit par

Critique lue 285 fois

1

D'autres avis sur L'Essai

L'Essai
Marius_Jouanny
8

Autarcisme

A l'heure où notre démocratie représentative traverse une rupture de plus en plus béante entre la classe politique et les électeurs, les idéaux anarchistes semblent retrouver un nouveau souffle...

le 7 sept. 2017

2 j'aime

L'Essai
GuilhemEvin
8

Essai réussi

Nicolas Debon m'avait conquis dès notre premier rendez-vous, c'était avec L'invention du vide, la finesse et la beauté de ses traits, son récit plein d'aventure et d'humanité... L'essai prolonge et...

le 16 août 2022

1 j'aime

L'Essai
punkryden
8

L'important, c'est d'essayer

Nico Debon en est certainement pas à son premier essai avec ce troisième one-shot tout en ton pastel. Documenté par l'histoire vraie de la communauté libertaire éponyme installée dans les Ardennes en...

le 1 juil. 2015

1 j'aime

Du même critique

P'tit Quinquin
Jib
5

Regrets...

Allons-y directement! Je trouve qu'on se moque des comédiens (qui ne sont pas des professionnels) plutôt qu'on ne rit grâce à eux. On dirait un cinéaste parisien qui n'a mis les pieds à la campagne...

Par

le 25 sept. 2014

35 j'aime

6

Mauvais genre
Jib
10

C'est un obus boche en pleine tronche cet album !

Le pitch est accrocheur, et on n'en décroche pas jusqu'à la fin mais surtout, le dessin est brillant, intelligent, à la fois précis et va à l'essentiel. Le découpage vous en met plein la gueule: de...

Par

le 9 oct. 2013

28 j'aime

Charly 9
Jib
8

Une relecture originale et intelligente du règne de Charles IX

D'abord l'album ne s'intitule pas Charles IX mais Charly 9; on comprend d'ores et déjà qu'on ne va pas lire un roman graphique historico-historique, mais qu'au contraire, on entre dans une relecture...

Par

le 6 oct. 2014

7 j'aime