LA surprise du relaunch DC. Si j'essaye de ne prendre que les indispensables dans la série des New 52 (soit les 52 séries régulières DC plus ou moins affectées par des changements d'univers) je peux affirmer sans détour ne pas m'être trompé sur ce coup-ci ! En fait, Animal Man est un souffle d'air frais dans l'industrie du comic mainstream : super-héros un peu secondaire, un rien largué malgré un pouvoir intéressant (qui consiste à s'approprier momentanément la capacité de n'importe quel animal), Buddy Baker connait des aventures bien plus sombres et originales que la plupart de ses confrères costumés. Déjà, point d’héroïsme mal placé ici : Buddy est un être plutôt instable. Cascadeur, justicier, militant, acteur, notre ami semble incapable de trouver sa place dans le monde. Seuls sa femme et ses deux enfants lui permettent de garder pied dans la réalité avec tout ce que cela implique de préoccupations quotidiennes.

Du coup, Buddy apparait instantanément comme un héros proche du lecteur. Le genre de type qu'on imagine aisément se boire une bière en rentrant chez lui après une patrouille difficile, jouer avec ses enfants, embrasser sa femme... Tout ce que Superman et consort semblent généralement incapables de faire. Un héros modeste, de temps en temps, c'est bien. Surtout quand ledit héros plonge dans une véritable histoire d'horreur. L'invasion de celle-ci dans le quotidien est du coup particulièrement efficace et on craint vraiment pour la vie de la famille Baker qui se retrouve tout entière menacée (jusqu'à la belle-mère! Qui a dit « on s'en fout » ?).

Mais de quelle menace parle-t-on exactement ? Pas d'un savant fou, non, ni d'une quelconque entité extraterrestre... Là encore, la série fait preuve d'originalité en nous faisant découvrir la Nécrose, une entité quasiment mystique qui s'oppose au Sang, soit le tissu vivant animal (dont fait bien sûr partie l'être humain). La menace est donc universelle, à la fois assez précise pour élaborer une intrigue solide et suffisamment vague pour être flippante, comme dans tout bon récit d'horreur qui se respecte. Personnellement, j'ai trouvé que cet « ennemi » prenait infiniment plus au tripes qu'un super-méchant aux motivations mille fois vues et vaguement ridicules. Ici, on touche à l'essence de la vie ; la menace est une force entropique, la mort hors de contrôle qui emporte tout sur son passage en faisant pourrir la moindre de nos cellules.

Ainsi, l'horreur de « La Chasse » se mêle à des explications ésotériques, voire chamaniques et apporte un soupçon salvateur de spiritualité à ce qui, sinon, n'aurait pu être qu'une énorme boucherie un peu vaine. De plus, privilégier l'épouvante permet d'éviter de surcharger les péripéties de scènes de combat ; bien que très fort, Buddy rame clairement tout au long de ces pages : l'ennemi est trop puissant, Animal man en prend plein la gueule et une peur très crédible le saisit régulièrement. Jeff Lemire a admirablement su développer les faiblesses de son héros et son besoin de se raccrocher à ses proches, surtout sa fille qui se révélera d'une aide indispensable ! Si on rajoute à cela quelques pointes d'humour bien senti, on comprend qu'on se trouve face à un cocktail particulièrement bien équilibré ! J'espère juste que le deuxième tome montrera un Animal Man un tout petit peu plus efficace, car le risque de trop prolonger son état de faiblesse et de finir par le décrédibiliser est bien présent. Personnellement, je ne me fais pas trop de soucis, tellement le scénariste gère son affaire... Surtout que le tome 1 se termine par une allusion claire à un crossover logique avec la série Swamp Thing qui me donne du coup furieusement envie de la découvrir.

Enfin, un mot sur le dessin de Travel Foreman, irrégulier, pas totalement maitrisé. Quelques jolies pages laissent régulièrement place à des cases franchement moches munies de décors qui semblent parfois carrément inachevés (voir la scène dans le garage, affreuse!). Personnellement, je m'y suis vite faite grâce à l'aspect « poupée cassée » des personnages qui convient très bien à l'ambiance glauque et aux monstres dégueulasses qui peuplent ce fascinant univers.

Si vous ne deviez acheter qu'un seul numéro 1 du relaunch, ce serait clairement celui-ci tant Animal Man se révèle surprenant, troublant et particulièrement attachant. Bien que pratiquement inconnue au bataillon, cette série voit ses règles brillamment expliquées, de façon naturelle et rapide, et les origines du personnage, tout en étant exposées, sont redéfinies (disons même améliorées) par le relaunch. Contrat plus que rempli par monsieur Lemire.
Amrit
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le 22 déc. 2012

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Amrit

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