La Trilogie Nikopol, intégrale
7.9
La Trilogie Nikopol, intégrale

BD franco-belge de Enki Bilal (1995)

Le coup de crayon et l'atmosphère même si certains effets questionnent

Critique tome par tome, qui sera suivie par une synthèse pour apprécier la trilogie dans son ensemble.


La foire aux immortels
En plus d'avoir un coup de crayon remarquable et de dégager une atmosphère futuriste tellement étudiée et éloquente, Enki Bilal écrit très bien. L'interaction entre son dessin et ses apartés sur l'histoire est cohérent,pertinent et amènent le lecteur pas seulement sur du factuel mais sur de la réflexion. Au niveau du contenu, le Paris de 2023 avec ses rues sordides et ses bâtiments désaffectés embrasent l'imaginaire et renvoient à des classiques de la littérature comme 1984 ou le meilleur des mondes. Par contre, la réussite du dessinateur est d'avoir mis sur le même plan les vanités humaines d'un politicien fasciste,Choublanc, et celles d'un dieu égyptien Horus, tous deux avides de contrôle absolu et prêts à toutes les manipulations pour asseoir leurs autorités. Nikopol, égaré temporel, deviendra malgré lui le jouet de leurs desseins. Mélanger la mythologie dans la réalité futuriste et suggérer les logiques subversives des pouvoirs politiques et divins est le grand attrait de la foire aux immortels, qui s'achève aussi sur un postulat particulier suite aux avancements de l'intrigue. Vivement la suite


La femme piège
Ce deuxième tome de la trilogie Nikopol est assez déroutant puisque l'action,se déroulant deux ans après La foire aux immortels, n'est pas dans la continuité et part dans une direction différente.Ici, Enki Bilal, s'efforce de renouer avec la relation Nikopol/Horus en introduisant le personnage de la journaliste Jill Bioskop.
Le récit de cette femme aux cheveux bleus à la plastique indéniable est brumeux puisqu'elle est sous l'emprise d'une drogue (le HLV) et sa vision de la réalité s'en trouve forcément altérée. De ce fait, le lecteur la lit entre moments de confusion et de lucidité. Son tempérament à la fois décidé et fragile est intriguant. Quelque part, cet entre-deux états de Jill pourrait être une métaphore de Bilal renouant avec cette histoire,tâtonnant, devant retrouver les marques qu'il a provisoirement perdues. D'ailleurs, les dernières pages de la Femme Piège sont plus claires car la cohérence de l'histoire reprend ses droits.
Le plus intéressant dans ce deuxième tome, c'est l'arrivée d'une femme dans l'univers très masculin de la galaxie Nikopol. La suite dira si Jill Bioskop est un élément porteur ou perturbateur dans les relations masculines de l'histoire. Et comme chez Bilal, le déséquilibre et l'harmonie coexistent étroitement,cela promet.


Froid Equateur
C'est incontestablement le plus perché des tomes de la trilogie Nikopol. Une nouvelle rupture temporelle commence le récit en 2034. Par regroupements, le lecteur comprend que le "ménage à trois" entre Horus,Nikopol et Jill a tourné au vinaigre. L'harmonie a laissé place à un chaos existentiel où les trois personnages se débattent comme ils peuvent. La partie dédiée au chess boxing, sport physique et cérébral futuriste, dont la compétition est organisée en Afrique fait penser au mythique match de boxe entre Ali et Foreman à Kinshasa. Enki Bilal continue à jouer sur plusieurs tableaux et sa patte "work in progress" est parfois limitante. Je regrette que l'auteur ait choisi une fois de plus la fatalité qui gâche tout.


Synthèse


Enki Bilal, sur cette trilogie Nikopol, a bien planté le décor avec un premier tome très ouvert dont le côté politique et subversif était remarquable. Les deux autres tomes plutôt en rupture entraînent dans des directions assez intuitives et barrées. Des effets qui questionnent sur la cohérence de l'ensemble malgré un plaisir visuel et des inventions graphiques extraordinaires. J'ai envie de lire des bandes dessinées où Enki Bilal est en collaboration avec des scénaristes ( dont Christin) simplement pour voir si les projets sont plus aboutis et moins éparpillés.

Specliseur
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le 15 oct. 2016

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