La guerre à 12 ans

Sympa cet album.

Il s'agit plus d'un documentaire sur une époque que d'une aventure. D'ailleurs il n'y a pas tellement d'histoire mais plutôt un amas de petites scènes, un peu comme si on avait adapté un journal intime en bande dessinée. L'auteur trouve tout de même un début et une fin avec cette arrivée puis ce départ de cette fameuse vallée. Sur la fin, on sent également que l'auteur recentre son sujet sur la guerre afin de mieux préparer la sortie. Les personnages sont intéressants, on ressent même une caractérisation malgré, parfois la courte durée de leurs interventions. Et puis surtout, ça déborde de petites choses, de petits souvenirs. On peut reprocher un côté un peu naïf puisque tout semble parfait ou presque dans ce petit monde, disons que l'auteur idéalise complètement cette époque révolue. Il insère quelques points noirs tout de même, et heureusement, ça permet d'avoir une vue plus globale. Et puis enfin, l'auteur embrasse à merveille le point de vue d'un enfant (d'où l'idéalisation mais aussi l'incompréhension face à ces points noirs).

Graphiquement, Le Gall a décidé d'adopter un style rétro : son trait est un peu plus tremblant, plus fin aussi. Sur la longueur, l'auteur ne peut s'empêcher de revenir à quelques méthodes graphiques plus proches de ses albums précédents, les pleins et déliés étant parfois plus accentués ou certaines façades tracées à la latte à nouveau (on a même droit à une scène d'obscurité comme il les aime tant), mais globalement, on ressent une fragilité tout au long de l'album.

Cet effet est bien entendu renforcé par l'utilisation de couleurs directe, en l'occurrence la belle aquarelle ! Bon, force est d'avouer que Frank se débrouille très mal sur les premières planches : trop de pigment ou trop d'eau, le dessin semble étouffer, sans parler du travail de lumière très mal géré, donnant lieu à des taches quand il ose ou à une incohérence visuelle quand il n'ose pas (ciel gris mais maisons lumineuses comme en plein soleil, on se croirait dans un tableau de Magritte) ; heureusement, quelques planches plus tard, Le Gall dompte déjà ses pinceaux, se montre plus subtil. C'est dingue comme ce type donne l'impression qu'il apprend sur le tare (et il apprend bien en plus). Et c'était nécessaire, parce que la fin, qui n'est pas ce qu'il y a de plus réussi, il faut bien l'avouer, aurait été catastrophique si l'auteur ne s'était pas amélioré au cours de la quarantaine de planches qui précède.

Pour le reste, le découpage est toujours aussi bon, les compositions de cadre aussi et puis l'on ne peut que féliciter cet amour du détail au travers des costumes, accessoires, décors... le bougre devait avoir une belle documentation pour réaliser cet album.

Bref, ce septième album est un peu maladroit à cause de l'aquarelle mal employée dans les premières pages, suit le rythme d'une histoire décousue comme dans un journal intime, mais reste un précieux document sur le temps de nos arrières grands-parents tout comme une ode à l'enfance. Cette BD m'a rappelé le magnifique film de Boorman "Hope and Glory" que je recommande.