Sur le long terme (quatre albums), ce récit est fondé sur une interprétation du thème de l'Eldorado espéré par les Conquistadors du Nouveau Monde. Ici, la cité recherchée s'appelle Guayanacapac. Les auteurs ont-ils été vraiment bien inspirés d'insister à ce point sur leur récupération des personnages de "L'Île au Trésor", de Stevenson ? Certes, au fil du récit, on en retrouve un certain nombre, quinze ou vingt ans après. Mais cela exigerait que les auteurs soient assurés de recréer aux yeux du lecteur la même magie qui les a saisis lors de leur première lecture de l'oeuvre de Stevenson. Est-ce vraiment le cas ?

Le récit est à tonalité chromatique assez sombre: brouillards amazoniens ou londoniens, tempêtes et averses tropicales, hiver neigeux anglais, confinement dans l'espace sombre de grandes demeures peu éclairées, de ruelles étroites entartrées de neige, yeux hagards lumineux sous l'ombre de chapeaux à larges bords... Le dessin rend bien une atmosphère fantastique, bien que le récit ne le soit pas. Le dessin, aux contours nets - sauf quand il prend le parti de l'aquarelle - , plus expressionniste que réaliste, convient bien à la représentation de trognes incroyables de pirates en tout genre. La volonté de typer les fripouilles transparaît dans les noms de guerre que leur donne John Silver lui-même, planche 25, et qui font très "feuilleton du XIXe siècle".

Parmi les réussites de ces dessins, la vision, quasiment d'outre-tombe, de Guyanacapac, planche 3, le visage presque zombique de l'Indien planches 8 et 9; l'atmosphère de contraste entre le feu d'enfer de la cheminée de Lady Hastings et la contre-plongée obscure, à perte de vue, sur la grimpée des rayonnages de sa bibliothèque, planches 10 et 11; la prise de possession de la soif de l'or par Lady Hastings, planche 15; la scène de la taverne, où John Silver, dans son rôle de cuisinier, semble être un Satan touillant l'un de ses chaudrons , entourés de diables grimaçants, planches 24 et 25; encore la folie de l'or et de la mort avec le portrait de Pizarre au milieu, planche 27, la tempête planche 37, etc... Le visage lisse des jeunes femmes contraste avec les striures chevelues des faces masculines et des décors tourmentés, avec des échos lointains du trait de William Vance et de Gir.

Le scénario, assez tordu, narre essentiellement les stratégies, démarches et calculs de Lady Hastings et de John Silver pour s'assurer la maîtrise sur un navire qui les mènerait de Bristol à Guayanacapac. Manque cruel d'argent pour aller en quête de l'or supposé: ce récit met le doigt sur une évidence soulignée, à leur corps défendant, par tous les chercheurs de trésor: pour avoir les moyens de trouver un trésor, il faut déjà être riche.
khorsabad
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le 4 juil. 2011

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D'autres avis sur Lady Vivian Hastings - Long John Silver, tome 1

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