Ce qui m'est précieux

Le combat ordinaire contient un peu tout ce qui m'agace dans l'art en général : un côté "indépendant", une histoire banale sur la vie de tous les jours, des dessins simplistes (ou du moins qui semblent l'être) et un côté moralisateur communautariste/écolo/socialiste/tiersmondiste. Du coup quand j'ai ouvert le premier tome, arrivé à la dixième page, j'avais un à priori plutôt négatif. Et finalement, l'album au complet m'a beaucoup plu.

Mélange de simplicité, de mélancolie et de réflexions relativement poussées sur la vie, "Le combat ordinaire" devient finalement fascinant. Le héros, pas vraiment un mec classe, ni un loser magnifique, ni même un mec tout à fait banal, se révèle vraiment intéressant, et on apprend vite à s'identifier à certains aspects de sa personnalité. Et il développe tellement de thèmes qu'il est difficile d'y rester vraiment insensible. Quitte à parfois s'embourber dans la politique française, de manière intéressante, certes, mais sans vraiment introduire le sujet correctement. Certains thèmes récurrents, comme la guerre d'Algérie, ou la crainte de devenir père, ne me concernent pas (encore ?), et pourtant j'ai été très touché par l'évolution de Marco vis-à-vis de ces sujets. Marco est faillible, mais Marco a des convictions fortes, et son évolution psychologique est vraiment intéressante. Il ne finira pas libéré de toutes ses tourmentes, mais grandi, mûri, certainement.

Graphiquement, j'avoue avoir eu beaucoup de mal avec le style de Larcenet. Et pourtant, ce dernier dispose de bien plus de cordes à son arc qu'on ne pourrait le croire. Les personnages et décors intérieurs semblent, certes, simplistes, mais les environnements extérieurs ont un côté impressionniste vraiment réussi (surtout dans la campagne) et certaines cases "pensées du héros", en noir et blanc, adoptent un style bien plus réaliste et sombre. L'auteur utilise aussi très bien les couleurs, par exemple lors des crises d'angoisse de Marco, on ressent vraiment cet étouffement avec les tons rouges et noirs oppressants. Et au final, je trouve le tout très réussi visuellement, et le mariage dessin/narration est assez ingénieux et intéressant.

Au final, "Le combat ordinaire" n'est pas une BD parfaite, mais c'est pour moi un énorme coup de coeur, et l'une des rares oeuvres (tous médias confondus) qui arrive à me faire planer, à me donner juste l'envie de m'étendre sur mon lit en regardant le plafond. Oui sans raison, comme ça.