Le premier tome m'avait plu, (cf ma critique: http://www.senscritique.com/bd/Liens_de_sang_Wonder_Woman_tome_1/critique/14910983 ) car il permettait de faire connaissance avec l'Amazone dans un univers qui utilise respectueusement (chose rare !) la mythologie grecque. Je pestais toutefois contre un problème qui gangrène encore la première moitié de cet album: les dialogues.

Personne n'a l'air ennuyé par cet énorme détail, moi si, alors je mets le doigt dessus: tout d'abord, les personnages n'arrêtent pas de terminer les phrases des autres, pour tout et n'importe quoi. C'est horripilant:

- Je suis...
-... fatiguée.

- Car si j'échoue...
- ...nous serons là.

- Je trouverai la fille, Zola, et je...
- ... trouverai à ses côtés ceux à qui je l'ai confiée.

Bien sûr, utilisé avec parcimonie, l'effet peut être cool. Mais quand c'est systématique, je ne vois plus que ça et j'ai l'impression de voir planer partout le fantôme de Riri, Fifi et Loulou. Parfois, ça vire même au grotesque:

- Je suis réveillée.
- Ouais, m...
-... malheureusement ? Oui.

Wow ! Deviner les pensées de l'autre avec une seule lettre, c'est vraiment très fort...

Ensuite, il y a parfois des dialogues bizarres, approximatifs, répétitifs qui semblent presque traduits avec Google Trad ou des phrases qui ne se terminent pas. Mais comme on m'a assuré que ce n'était pas du à la traduction, je compte ça comme une énorme faiblesse. Le tout début du tome illustre parfaitement le problème:

- Il me suit partout...
- Vraiment ? Je ne vois pas...
- (...) Il est obsédé.
- Non il est...
- Je dois me cacher pour avoir une seconde de paix.

C'était difficile d'écrire « Je ne vois pas où est le problème. » et « Non, il est amoureux » ? Le pire, c'est qu'on voit que c'est fait exprès, pour qu'on ne devine pas tout de suite l'identité d'un personnage. Soit, mais rien n'excuse la suite:

- Ce ne sont pas vos affaires.
- Nous avons d'autres affaires en commun.
- « Nous », vraiment ?
- Nous avons besoin d'un service.
- Un service ?

C'est lourd, répétitif, bref, maladroit. Mais c'est l'unique défaut de ce tome.

Non seulement la seconde moitié est bien mieux écrite et abandonne tous ces effets minables, mais en plus, l'histoire s'envole et commence à offrir quelque chose qui fait vraiment honneur à la mythologie grecque.

Wonder Woman rencontre Héphaïstos, apprend de nouvelles révélations sur les Amazones, visite l'Enfer, combat des dieux... Ca devient rythmé, riche en rebondissements, fun, et de plus en plus intelligent au fur et à mesure que l'on tourne les pages. Franchement, je ne m'attendais pas à être à ce point scotché. Surtout que, comme je le disais, il est très gratifiant de lire enfin une oeuvre moderne qui respecte vraiment la mythologie: les dieux sont ce qu'ils sont censés être malgré un habile relooking, les manigances, relations et attributs divins respectent le canon homérique... On est à des années-lumière du viol que sont « La Colère des Titans » et autre infect « Les Immortels ».

De plus, loin d'être mignon et naïf comme pourrait le suggérer la présence d'une héroïne injustement « ringardifiée » par la télévision, l'histoire est assez sombre avec une pointe de gore aux moments opportuns. De la très très bonne came.

Cette bonne surprise scénaristique s'accompagne aussi d'une révélation graphique: Cliff Chiang et les autres se sont surpassés depuis le premier tome: les environnements sont variées, immersifs et tout simplement transfigurés par une colorisation démentielle de Matthew Wilson qui nous en met vraiment plein la vue... mais avec la subtilité des grands artistes. Capable de manier toutes les ambiances, Wilson parvient à faire passer dans chaque scène la féérie ou l'horreur que le récit ne ferait autrement qu'effleurer.

L'arc d'Azzarello se poursuit dans le tome 3, ce qui en fait l'un des arcs d'introduction les plus longs de ce relaunch. Mais l'univers de Wonder Woman en avait sans doute bien besoin ! Je ne trainerai pas si longtemps pour lire la suite, surtout que la dernière page donne bigrement envie.

Si l'auteur abandonne ses effets qui parasitent parfois les dialogues, je n'aurai plus aucun motif de plainte et deviendrai un inconditionnel de la belle.
Amrit
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes DC VF: Mes séries régulières et 30 Days BD Challenge

Créée

le 2 août 2013

Critique lue 365 fois

6 j'aime

Amrit

Écrit par

Critique lue 365 fois

6

D'autres avis sur Le Fruit de mes entrailles - Wonder Woman, tome 2

Le Fruit de mes entrailles - Wonder Woman, tome 2
Ninesisters
8

Critique de Le Fruit de mes entrailles - Wonder Woman, tome 2 par Ninesisters

Si vous commencez à lire les séries du New 52 de DC Comics, vous devez vous attendre à tout. Car cette production n'a strictement rien d'homogène ; vous y trouverez les titres les plus sophistiqués...

le 4 janv. 2013

8 j'aime

6

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 8 août 2012

230 j'aime

77

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

98 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

91 j'aime

5