La pérégrination, voilà un postulat qu'aime offrir Jiro Taniguchi sauf que cette fois-ci, il n'est pas seul, il est accompagné de Masayuki Kusumi pour nous offrir le Gourmet Solitaire édité en 2005 par Casterman au départ dans la collection Sakka avant d'être réédité dans la collection écritures en 2016, il est à noter qu'une suite du nom : Les Rêveries d'un Gourmet Solitaire est sortie la même année.


Le manga possède une telle renommée au Japon qu'il a eu droit à une série télévisée depuis 2012 qui en est à sa septième saison écrit par Kusumi, qui vient en fin d'épisode présenter le lieu où notre gourmet est allé.


Le manga nous propose de suivre les pérégrinations de Goro Inogashira, un homme d'affaires célibataire travaillant dans l'import-export mais à part ces données, nous n'en apprendrons que très peu sur lui et la raison en est toute simple, car le véritable héros de ce manga est l'art culinaire japonais !


En effet, il n'y a pas vraiment de développement scénaristique, "justes" 18 chapitres qui nous permettrons de suivre notre héros du quotidien aussi bien dans un train, un restaurant de quartier ou encore une pâtisserie pour vous donner un aperçu.


Notre protagoniste se laisse diriger par sa curiosité et son amour de la cuisine en quête de découverte pouvant ravir son palet et pour nous faire découvrir la diversité de la cuisine nipponne avec une attention toute particulière envers la dépiction des plats aussi bien au niveau du verbe qu'au niveau pictural !


On peut voir dans le graphisme Jiro Taniguchi, un travail particulier sur la retranscription de la ville, la nature, les animaux, les architectures, les vêtements et toute chose lui permettant de s'imposer en maître des ambiances grâce à des observations minutieuses à l'instar des personnages qu'il dépeint afin d'apporter un réalisme qui mixé avec sa ligne claire et son découpage séquencé permet de différencier distinctement les instants tout en ayant l'impression que le manga prend vie !


De ce fait, les cases sont nombreuses, ce qui ne nous donnera qu'à de rares instants des doubles ou des pleines pages mais cela permet également de mettre en exergue toute l'analyse qu'opère Taniguchi avec son travail sur la lumière grâce à l'utilisation des trames.


Il est d'ailleurs intéressant de prendre le Gourmet Solitaire comme le petit frère de l'Homme qui Marche par ses scénettes de découverte amplifiant chaque moment jusqu'à bouleverser le quotidien dans l'intemporel !


Même si personnellement, j'ai préféré l'Homme qui Marche, force est de reconnaître que le manga n'est pas qu'un manga culinaire et comme Jiro Taniguchi le disait "En fait, c'est moins ce que je mange que le moment du repas qui est important pour moi, un moment où l'on s'arrête, où l'on peut goûter le moment qui s'écoule, être attentif au lieu où l'on se trouve. C'est tout cet ensemble qui m'intéresse et me donne du plaisir et c'est ce que j'essaye de rendre dans mes histoires du Gourmet Solitaire."


En effet, la nourriture dans le Gourmet Solitaire n'est pas juste un élément à ingurgiter mais également, un élément s'inscrivant dans un contexte amenant une atmosphère parfois poétique, drôle ou percutante selon les rencontres ou les ressentis, ces petits moments de vie où se développe un petit univers visuel qui transparaît de simplicité et d'une volonté de découvertes et d'expérimentations.


Une simplicité, qui s'observe également dans le réalisme du manga et avec l'apparence de Goro Inogashira qui assez commune pour ainsi le généraliser, lui et sa poésie de bon vivant.


Tous les personnages que nous pourrons observer conservent ses caricatures bien japonaises avec une allure plus occidentale rendant le trait accessible aussi bien au néophyte qu'au plus passionné.


Ce contrastre entre un quidam graphique et des décors complexes peut se retrouver chez Shigeru Mizuki dans Kitaro le Repoussant ou chez Inio Asano avec Bonne Nuit PunPun ou Dead Dead Demon's DedededeDestruction mais fait chez Taniguchi de manière plus légère rendant le tout plus moderne quoiqu'un peu plus rigide pour être néanmoins curieux, consciencieux et observateur !


Pour finir, le duo Taniguchi / Kusumi avec le Gourmet Solitaire nous instruit avec cette lettre d'amour envers la gastronomie japonaise, je vous mets au défi de lire cette oeuvre d'une seule traite sans jamais vous arrêter devant ce spectacle culinaire !


Et en guise de cerise sur le gâteau j'aimerais finir cette analyse / critique sur les mots de Patrick Honoré, le traducteur en préface de l'œuvre, il faut lire Le Gourmet solitaire comme on boit un grand vin. Ce n'est pas de la BD fast food, c'est la cuisine du patron, c'est du pot-au-feu de la grand-mère.


Je conseillerais avec cette lecture:


Les Rêveries d'un Gourmet Solitaire: comme je l'ai mentionné tantôt il s'agit de la suite des aventures de notre gourmet, toujours concocté avec le scénariste Masayuki Kusumi.


Quartier Lointain: Je ne donnerais pas d'explication qui pourrait spoiler lisez-le !


Et l'Homme qui Marche : Avec l'Homme qui Marche, Taniguchi est cette fois-ci seul à la barre et il nous propose les pérégrinations d'un homme qui prend son temps.

Albator_Larson
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le 3 févr. 2019

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Albator_Larson

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