Le moins qu'on puisse dire de ce 5ème "Spirou revisité", c'est qu'il est surprenant. Suite du très bon "Journal d'un ingénu", Le Groom vert-de-gris reprend en pleine occupation, toujours à Bruxelles. Et toujours avec ce parti pris très "vintage", pas forcément dans les dessins, mais bien dans le ton et la quantité incroyable de références déployées.

Et c'est l'une des plus grandes forces, mais aussi l'un des torts de cet album, il restitue une époque, une ambiance, que peu de gens (de Français ?) pourront comprendre. Ça fourmille de publicités pour marques belges iconiques telles que l'eau de source Spa ou la bière Stella Artois, de personnages de BD belges, de monuments belges bien croqués (le magnifique Palais de Justice !) et surtout de ce patois bruxellois, mélange de dialectes flamands et de français.

Au point qu’on peut dénombrer au moins cinq références (possiblement comprises uniquement par les) belges par planche, et que les auteurs se sont permis d’étaler largement leur culture du plat pays : une multitude de personnages d’Hergé (Quick& Flupke, Jo, Zette et Jocko, et des personnages secondaires de Tintin tels que Aristide Filoselle ou Sakharine, aperçus entre les travées d’un marché, forcément, ou Müller, en tortionnaire teuton), mais aussi les tout aussi belges, mais moins connus Blake (de Blake&Mortimer), Sidonie, Lambique ou Jérôme (Bob&Bobette) ou même le plus contemporain Jeune Albert. La chasse au caméo est assez amusante, même si le contexte très belge peut être un peu excluant, ce qui est d’autant plus surprenant que les auteurs sont tous deux Français !

Et même en éludant cela, c’est un album solide, avec une histoire de résistance assez classique, mais truffée d’humour, à l’image de ces bombardiers lâchant des obus griffés d’un savoureux « From USA without love », de ce Fantasio « franquinesque » qui tient beaucoup de Lagaffe et de cette alternance bien sentie entre les scènes légères et les plus dramatiques. Parce que c’est un album qui, à l’instar de son prédécesseur, ne cache pas la violence de son récit, un peu inévitable quand on parle de résistance et de nazis, sans pour autant tomber dans le racolage pour se démarquer des Spirou « traditionnels » : ça a le bon goût de rester sobre et pudique.

Au final, cet album cosmopolite, où les "Nein", "Wunderbar" et autres "Fräulein" répondent aux tout aussi exotiques "Nom di djuu", "Fourt" et autres "pei" (certains de ces mots s'emploient encore aujourd'hui, si si), est une belle déclaration d’amour à Bruxelles, à sa culture bédéphile et à Spirou, en général. A lire en essayant de faire l’accent, pour l’immersion.
Floax
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le 22 août 2014

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