Si vous n'avez pas le temps ni les moyens d'aller sur place, si Paris et l'exposition Toutankhamon reste inaccessible et que néanmoins l'Egypte vous fascine offrez vous la lecture de l'album. A mon gout l'un des meilleurs de la série. Une atmosphère délicieusement rétro à la Agatha Christie, un graphisme très immersif et une intrigue à la fois policière et fantastique digne de la plus pure littérature populaire entre Conan Doyle et Jean Ray.


Titre : Le mystère de la grande pyramide


Série : Blake et Mortimer


Auteur : E.P Jacob + aide ponctuel (lettrage 1ère séquence) au début d'Albert Weinberg + aide au scénario de Jacques Van Melkebeke


Publication : Tintin mars 1950- mai 1952


Publication album : Le Lombard 1954 et 1955 (plus adaptation en disque 1956)


Sources : B Mouchart, F Rivière La damnation d'Edgar P. Jacobs chap 6 pp 151-164


Album utilisé : Le mystère de la grande pyramide t 1 & 2 édition Blake et Mortimer


Éléments de critique externe :
Comme pour le « Secret de l'Espadon » Jacobs se livre pour l'édition album à quelques correction du travail effectué par Albert Weinberg, certains dialogues seront modifiés pour adopté un vocabulaire plus accessible lors de la publication en album (B Mouchart, F Rivière p. 152).
Le premier volet de l'aventure est annoncé dans « Tintin » comme «une aventure de Mortimer et Nasir » (B Mouchart, F Rivière p. 151).
La publication en revue subit trois interruptions du 29 juin au 10 aout 1950, du 18 juillet au 1er août 1951 et du 3 au 24 octobre 1951 (B Mouchart, F Rivière pp. 156 & 161)
Le scénario du « Mystère de la grande pyramide » s'inspire en autre des ouvrages.
– Conan Doyle
– Sax Rohmer
– Théophile Gautier


On peut également percevoir l'influence du romancier belge Jean Ray (pseudonyme de Raymond Marie De Kremer) auteur de nombreux romans mêlant intrigue policière et fantastique (à travers notamment les aventures d'Harry Dickson) qu'E.P. Jacobs a pu connaître au journal Bravo ! Dans les années 40.

N'ayant pu se rendre surplace en repérage, E.P.Jacobs accumule une importante documentation pour construire son histoire. Les bâtiments du Caire comme l'hôtel continental et la villa du Dr Grossgrabenstein existe réellement tout comme le Mena House de Guizeh. L'album fut salué par plusieurs érudit pour le sérieux de sa documentation (B Mouchart, F Rivière p164) notamment Christiane Desroches-Noblecourt en 1967.


Éléments d'analyse :


Logique d'une mise en représentation du monde :


L'œuvre d'E.P.Jacobs s'inscrit dans une logique de représentation utilisant des procédés dramaturgique directement emprunté au théâtre et au music hall .
– Multiplication des décors.
– Gag et coups d'éclats ponctuent l'action et concluent les séquences
On remarque l'usage de gags récurrents :
Comme par exemple la bagarre opposant Mortimer à Olrik et ses sbires dans le magasin de l'antiquaire ( T1 P 47) et celle du faux Mastaba opposant Blake à Sharkey (T 2 P 22,23) qui partage la même conclusion en forme de contrepoint comique. La première montre Mortimer assommé et coiffé d'une marmite de cuivre (T1 P34 4/2), la deuxième le bandit Sharkey coiffé du couvercle d'un vase ancien (T2 P 23 3/4).
– Toute la première partie fonctionne comme une gigantesque partie de cache cache utilisant les ressorts du vaudeville :
– Chutes,
– Écoute aux portes (T1 P 25 3/1,2,3).
– Chassés-croisés .
– Télescopages (T1 P 27 2/1).
On peut remarquer l'apparition du Docteur Grossgrabenstein jaillissant d'un mastaba à la manière d'un souffleur de théâtre (T2 P 52 3/3).
– Utilisation de l'élipse grâce notamment à l'utilisation de textes hors case.


Dans la logique de ce fonctionnement la séquence finale de révélation du Cheik Abdel Razek s'assimile à une mise en abime. Mortimer prend d'ailleurs à cette occasion, partiellement conscience du jeu de miroir dont il participe, d'abord en découvrant les procédés du Cheik Abdel Razek :
T2 P48 3/1 :
Abdel Razek : « … Et pourtant, ces terrifiants crocodiles, cette montée des eaux n'étaient qu'illusions, fantasmagories, autosuggestions !...
Mortimer : Sapristi !... Le tour de la corde raide des fakirs de l'Inde !... »


Et ensuite à l'issue de la révélation du Cheik qui s'assimile à une séance de lanterne magique (T2 P48-52) :
T2 P53 1/ 2 :
Blake : « Quelles visions étranges et merveilleuses !
Mortimer : Il me semble avoir utilisé la machine à explorer le temps ! »


Cette dramaturgie shakespearienne de type théâtre dans le théâtre a pour fonction d'être vecteurs de vérité. La mise en abime participe d'ailleurs du processus d'identification des lecteurs.


Sitôt faite la révélation fait objet d'oubli, le Cheik frappant les deux héros d'amnésie (T2 P53 4/1). Cette nouvelle mise en abime est destinée à permettre la mise à distance du lecteur vis à vis des héros. Celle là au lecteur dont l'esprit peut alors opéré une prise de distance vis à vis des héros qui demeurent à leurs stade antérieur tandis que le lecteur profite de la représentation.


A l'opposé du système hergéen au déroulement chronologique entièrement centré sur l'action du héros, où le lecteur suis l'unique point de vue d'un protagoniste. La dramaturgie Jacobsienne exige un rôle actif de la part de ses lecteurs. Brisant les unités de lieux et de temps, il n'hésite pas non plus en profitant de l'abondance de ses personnages à multiplier les points de vues au gré d'intrigues croisés . Aucuns protagonistes ne possède l'ensemble des éléments du récit et souvent seul le lecteur est souvent capable de réaliser la synthèse final de l'histoire.


Éléments :
A l'opposé du « secret de l'Espadon » le récit s'ancre autours de deux lieux, la ville du Caire très européanisé et le plateau de Guizeh symbole de l'Égypte ancienne.


Le personnage de Mortimer correspond aux clichés du gentleman britannique
– Il voyage pour son plaisir à travers le monde en compagnie d'un domestique (Nasir)
– Il s'adonne à l'égyptologie en amateur éclairé hobby assez fréquente dans l'aristocratie anglaise dont l'exemple le plus fameux fut lord Carnarvon qui entama des fouilles à Thèbes en 1906 avant de découvrir de la tombe de Tout ankh Amon en 1922 .
T1 P 5 2/3 :
Mortimer : « Et d'ailleurs, nous sommes en vacances ! Finis les neutrons, protons et autres « Espadons »!... Ah! J'ai hâte de revoir ce beau pays et aussi cet excellant ami Ahmed Rassim. Pense donc! Non seulement il me permet, à moi simple physicien, d'exercer mon ''hobby » » d'archéologue amateur, mais il m'invite encore à participer au déchiffrement de ses toutes dernières
trouvailles. »
– Il pratique l'équitation (T1 P 50) et loge dans des hôtels de luxe le « Continental Savoy » au Caire (T1 P 7 3/1) et le « Mena-House » sur le plateau de Guizeh (T1 P 46)


E.P.Jacobs utilise une fois de plus un standard de personnage de gentleman aventurier déjà largement utilisé par la littérature populaire (ex : Agatha Christie) à une époque où la réalité de tels personnages tend à disparaître.


Science et sacré :
Dès le début Mortimer renonce à son pouvoir scientifique « Finis les neutrons, protons et autres « Espadons »!... » (T1 P 5 2/3) pour partir à la découverte du sacré mais d'emblée sa démarche est faussé dans le sens où cette quête n'est pas prise réellement au sérieux, il s'agit pour lui d'un « hobby », il trahit ainsi l'attitude occidentale qui oppose rationalité et sacré. Mortimer vas durant l'essentiel de l'aventure errer sans repère, victime de son incrédulité. Il ne cherche pas à s'initier aux mystères de l'Égypte mais à en soumettre les secrets à la rationalité occidentale. Sa démarche est semblable à celle d'Olrik qui lui ne voit dans les secrets des papyrus qu'une occasion d'enrichissement matériel. Comme en témoigne le fait que l'un et l'autre court après les mêmes indices des fragments de papyrus. L'un et l'autre restent insensible au sacré comme le remarque le Cheik Abdel Razek.
T2 P 48 1/ 2 :
Cheik Abdel Razek : « … La découverte du manuscrit de Manéthon suscita la curiosité scientifique des uns et la cupidité des autres... »
Même si dans la suite de son discours il prend la peine de distinguer la générosité désintéressée de Mortimer de la cupidité d'Olrik, Les deux attitudes sont également rejetées car elles visent de la même manière à détruire la sacré.
T2 P 48 4/1 :
Mortimer : « Mais dis-moi, pourquoi t'opposer aux fouilles désintéressées des vrais égyptologues ?...
Cheik Abdel Razek : Parce que je ne tiens pas à voir la momie d'Akhnaton exposée ignominieusement dans une vitrine de musée »


La rationalité occidentale s'oppose au sacré car elle ambitionne de tout comprendre et de mettre l'homme à la mesure de toute chose à l'opposé le sacré suppose que l'homme se soumet à l'autorité d'instances supérieur qui le dépasse. « Le secret de la grande pyramide » fait partie de ces œuvres qui sanctionne l'échec de l'union du scientifique et du sacré. C'est la traduction du rejet de l'idéologie positiviste (surtout dans son développement scientiste ) qui du 19° au début du 20° siècle anime l'essentiel de la recherche scientifique en supposant qu'une compréhension complète et rationnel du monde est accessible.
Le « Rayon U » suggérait qu'une alliance de type alchimique pouvait s'effectuer entre le religieux et le scientifique autours de l'édification d'un grand œuvre atomique , la grande pyramide sanctionne l'impossibilité d'une tel alliance. Mortimer et Olrik se livre à une partie de cache cache mutuel dans la ville européanisé du Caire tandis que la vérité se cache ailleurs.


Parcours initiatique :


Entrant tardivement dans l'aventure, Blake est aussi celui qui subit l'initiation la plus intense. Il passe d'abord par la mort pour quitter le monde rationnel du XX° siècle (il est abattu dans une cabine téléphonique à l'aéroport d'Athènes T1 P 47 3/2) puis resurgit de manière miraculeuse bien plus loin dans le mastaba reconstitué de la villa Grossgrabenstein au Caire. Il a entretemps emprunté
la défroque d'un fellah « Abbas » dans laquelle même Mortimer ne le reconnais pas (T2 P13, 14). Il s'agit d'un non identité semblable à celle d'Ulysse regagnant Ithaque sous les traits d'un vagabond.
Transformations :
La transformation de Blake diffère de celle qu'Olrik opère en prenant l'identité du Docteur Grossgrabenstein, la transformation d'Olrik copie l'apparence, à la moindre contrariété (T2 P16 4/5 & P 17 1/1) le masque tombe et sa véritable personnalité resurgit. Olrik emprunte l'identité d'une personnalité socialement brillante il flatte ainsi son égo en s'en attribuant le prestige .
A l'opposé Blake se dépersonnalise son nom d'emprunt est l'indice d'une non identité « Abbas » se lit de la même façon de gauche à droite et de droite à gauche, utilisant les deux premières lettres de l'alphabet, il peut aussi renvoyer au babille de l'enfant qui apprend à lire. Ce non-nom renvoi au pseudonyme « personne » qu'Ulysse utilise pour tromper le cyclope Polyphène. En se dépersonnalisant Blake efface son égo et se rend perméable se rapproche plus facilement du mystère comme en témoigne sa présence aux abords du mastaba de Guizeh sans qu'il est pu bénéficier préalablement des renseignements du papyrus de Manéthon. En s'étant dépersonnalisé Blake à en même temps abandonné les schémas intellectuels rationalistes de l'occident, ce qui lui permet d'entrer directement en contact avec le sacré égyptien. Quand Blake retrouve son identité (T2 P 32 3/1) il perd immédiatement son lien mystique avec le sacré et devient dépendant des informations concrètes de issue de l'archéologie (T2 P 32 3/3). Mais la suite de l'aventure lui impose de redevenir lui même car à partir de l'entrée dans le sous-terrain (T2 P 32) les deux héros quittent le monde des apparences pour entamer une quête initiatique.
T2 P 32 3/1 :
Blake : « […] J'aurais été navré, au cas où cela tournerait mal de finir ma carrière sous la défroque de ce pauvre Abbas. »


Lieux d'illusion et de vérité, d'un mastaba à l'autre :
Deux mastaba (tombe pharaoniques) possèdent une importance capital dans le déroulement du récit :
– Celui que le docteur Grossgrabenstein à reconstitué à grand frais dans le sous sol de sa villa (T2 P 19-20, 22-23) dans lequel Mortimer et Nasir retrouve Blake après avoir failli être assassiné par Sharkey complice d'Olrik.
– Celui que fouille ce même docteur Grossgrabenstein sur le plateau de Guizeh ( T1 P 52-53, T2 P 32-33)
Dans le premier est un lieu totalement désacralisé, aucun mort n'y réside et le seul culte qui s'y attache est la marotte d'un collectionneur. La forme la plus dégradé de culte puisqu'il n'attache de valeur qu'a l'apparence des choses en étant incapable d'en ressentir la valeur intrinsèque. C'est un lieu d'illusion décoré comme un décor de théâtre.
Le second Mastaba est lui aussi une fausse tombe et le docteur Grossgrabenstein y joue aussi les monsieur Loyal mais il constitue en réalité le point de passage d'un monde à l'autre :
– Il constitue l'entrée du passage secret menant à la grande pyramide.
– Il permet de passer de la surface des vivants au monde souterrains des morts.
– Il permet de passer de la lumière du jour à l'obscurité.
Le mastaba de Guizeh est le point de passage où l'on abandonne le monde des illusion pour entrer dans le royaume du sacré.


**Souterrains :**

Les parcours souterrains sont une constante de l'œuvre de E.P.Jacobs.
Le parcours souterrains de Blake et Mortimer à la fin de l'aventure (T2 P 32-54) s'effectue à travers une cité mortuaire. Ils vont d'un tombeau à l'autre, d'un mastaba (T2 P 32,33) à la chambre secrète de la grande pyramide (T2 P 40). Comme pour le professeur Marbuk (« Le rayon U ») il s'agit pour les héros de pénétrer dans le royaume des morts pour en ressortir grandi. Mais à l'inverse du héros du rayon U, il ne s'agit pas d'une véritable initiation, les occidentaux (Blake, Mortimer, Olrik) n'empruntent pas le véritable « chemin de l'initié » mais le parcours de pilleurs de tombes. S'il accèdent à une partie de la connaissance du mystère celle ci leurs est finalement enlever par le Cheik Abdel Razek qui les frappe d'amnésie.
Malgré leur bonne volonté Blake et Mortimer restent des profanateurs. Mais l'ensemble du parcours du mastaba à la pyramide correspond à un véritable parcours initiatique, les héros descendent sous terre pour finalement ressortir, au terme de l'épreuve, au grand jour comme une nouvelle naissance.

T2 P54 2/5 :
Blake : « Ouf! Enfin le soleil !...
Mortimer : Il me semble que je viens de passer dix anx sous terre !... »


Transgression :
Ce parcours initiatique peut aussi se décrypter sous l'angle d'une analyse psychanalytique :
Le parcours sous terrain, du mastaba à la pyramide, d'Olrik, Blake et Mortimer peut s'assimiler à une régression, ils rampent à quatre pattes. Leur entrée, par effraction, dans la grande pyramide ressemble à celle d'enfants cherchant en pénétrant dans la chambre parentale à surprendre le secret des parents. Ils s'y confronte à différentes peurs :
– Peur de se perdre
– Peur des chauves souris
– Peur du noir
qui culmine avec des fantasmes de dévorations (incarné par l'apparition de crocodiles T 2 P 43) quand ils approchent de « La chambre d'Horus » où repose le Pharaon Dieu Akhnaton, autant de peurs né de la culpabilité du sentiment de violer un interdit.
Dans la chambre secrète de la grande pyramide (objet à la fois mâle et femelle ) ils y trouvent une figure paternelle démultiplié, représenté d'une part par la momie du pharaon Akhnaton et d'autre part par la statue d'or du souverain « une colossale statue d'or d'Akhnaton semble veiller » (T2 P 40 3) qui domine le caveau et l'assimile au soleil (T2 P 46-47).


T2 P 47 1/ 2 :
Cheik Abdel Razek : « O Aton, source de vie ! Étincelant, tu te lèves sur le pays d'Égypte. Combien diverses sont tes œuvres et impénétrables tes desseins ! O toi, Soleil du jour, Grand de puissance ! Le monde est dans ta main. Lorsque tu te lève il vit. Lorsque tu te couches, il meurt et nul autre ne te connaît que ton fils Akhnaton. »


La pyramide correspond à un lieu solaire la chambre secrète est baignée de lumière sans qu'aucuns mode d'éclairage ne soit présent.


Vision de la mort :


La mort est là assimilée au sommeil représenté par l'immobilité qui correspond à la première représentation de la mort par les enfants .
Le terme « chambre » utilisé pour désigner la crypte funéraire renforce cette assimilation sommeil / mort, que renforce encore la présence de meubles autours du sarcophage.


La dépouille embaumé du pharaon est un corps préservé de la putréfaction. Hors d'atteinte des attaques du temps le corps du Pharaon-dieu est l'incarnation du temps suspendu.
La non mort du Pharaon est liée au phénomène de non histoire qu'il incarne.


Ce corps immuable momifié fait également référence à l'odeur de sainteté émanant du corps-relique des saint médiévaux dont le corps est retrouvé intact. Phénomène enregistré lors de la canonisation de Bernadette Soubirou en 1933.


Quête temporelle et chronologie historique :
L'aventure égyptienne de Blake et Mortimer s'inscrit dans le cadre d'un ailleurs colonial idéalisé, à aucuns moment il n'est fait allusion aux tensions sociales qui aboutiront à la déposition du pacha en 1952 par les « officiers libres » Néguib et Nasser (23 juillet 1952) ni aux tensions orient / occident qui en 1956 déboucheront sur l'intervention franco-anglaise sur le canal de Suez.


L'aventure égyptienne correspond à une quête de logique temporelle. Le pays dans son ensemble apparaît comme un monde immobile non soumis à la gravité du temps. Les européens ont pu imposer un vernis de modernité (à l'instar des luxueux hôtels du Caire que fréquentent Olrik et Mortimer), la loi traditionnel continue de régir le pays où le passé se mêle au présent. Comme les murs des maisons construite avec les matériaux des antiques temples. Cette notion n'est pas une nouveauté elle est déjà présente dans le roman de Th Gautier (Le roman de la momie), il semble que l'Égypte ai cristallisé les fantasmes d'immortalité de l'occident.


T2 P 11 3/ 4 & 3/5 :
Mortimer : « Ce signe !... Ta maison serait-elle bâtie avec des matériaux anciens?
Abdel Razek : Comme tu le vois!... En Égypte, le passé et le présent sont étroitement mêlés. »


Les « fellah » continuent à respecter les antiques superstitions s'attachant aux lieux et savent reconnaître les signes lié au sacré.
T2 P 9 2/2 & 2/3 :
Le Rais : « Le génie du Mastaba lui y en a être fâché, très fâché... Plus personne y en a encore vouloir travailler dans le chantier maudit ! […] Y en a se passer des choses terribles, Effendi. Nous y en avoir entendu des voix et des bruits mystérieux dans le souterrain et aussi nous y en avoir vu des signes de feu sur les murs ! »


Ils reconnaissent l'autorité du grand prêtre « l'initié » dans la personne du Cheik Abdel Razek, dont l'atteinte à la personne provoque des émeutes (T2 P 10 4/2).


Le message final du Cheik Abdel Razek semble double, d'une part il réaffirme la loi du père incarné dans le Pharaon soleil qui traverse les siècles sans modification aucunes, les événements historiques n'étant que des épiphénomènes se greffant sur un fond intangible. A cet égard « le secret de la GP » pose la loi du père comme un modèle indépassable.


D'autre part le cheik donne à voir à B & M une continuité temporelle dans laquelle ils peuvent s'inscrire et trouver leurs places à condition :
– Qu'ils respecte la loi du père.
– Qu'ils accepte de s'inscrire un processus renouvellement des générations ( de vie et de mort) et donc de ne plus entrer en concurrence avec le père.


Initiation temporelle :
L'ensemble des aventures de Blake et Mortimer s'effectuent sous le régime de la confusion temporelle.
– Les références à la 3° guerre mondiale uchronique de l'Espadon brouille l'établissement d'une chronologie de référence des événements des personnages.
– L'histoire des héros semblent perpétuellement bégayer comme en témoigne leur perpétuellement affrontement aux même ennemis.
– Ils entament périodiquement une quête des origines qui les amènent vers des mondes clôt hors du temps.
– La cité souterraine du « Rayon U »
– Le continent perdu de l'Atlantide « Le secret de l'Atlantide »


Mortimer vit même une véritable errance temporelle avec « Le piège diabolique ».


Cet état de fait laisse supposer que Blake et Mortimer restent fixés à un certain état de développement.


L'épreuve souterraine qu'ils subissent ressemble à un rêve, on peut penser que Blake et Mortimer y trouve une partie des réponses à leurs questions. La quête de la chambre secrète et l'exploration de la pyramide correspond à une quête des origines. Blake et Mortimer pénètrent dans la chambres des parents dans l'espoir et la crainte de découvrir le secret de leurs origines ils y rencontrent une figure
parentale qui leur raconte une histoire des origines.


Figures parentales :
Le cheik Abdel Razek dans son costume de grand initié du culte d'Amon apparaît malgré sa barbe et le petit cône qui le coiffe comme essentiellement féminin .


– Il porte une grande robe et une perruque noire
– Il veille sur le repos du père comme une bonne épouse
– Il s'assimile à la nuit tandis que le père est lié au soleil et au jour :
– Il mène une vie discrète le jour tandis que la nuit il accède au sommet de sa puissance.
– Son pouvoir provient de sa capacité à manipuler les esprit par le biais des songes .
La présence du Pharaon-dieu s'incarne d'une double Manière :
– Sa momie couché dans un sarcophage.
– Une gigantesque statue d'or le reproduisant en majesté coiffé de la double couronne d'Égypte ( symbole solaire à la fois féminin et masculin).


Le statut du pharaon n'est pas une simple représentation, elle incarne véritablement le dieu et irradie la lumière après les invocation du grand prêtre.

T2 P47 1/ 3 :
« ...Et peu a peu, le soleil d'or placé derrière la tête du pharaon, se met à briller, gagnant a chaque instant en éclat jusqu'à remplir la crypte entière d'une lumière éblouissante... »


Le mélange des signes masculin / féminin associé à la puissance déployé par le père et la mère tend à interpréter le couple Pharaon / Abdel Razek comme une seule figure parentale indifférenciée et toute puissante, siège d'amour et de terreur.


La chambre funéraire du Pharaon se présente comme « une vaste crypte de granit rose que soutiennent des piliers massifs. Un large et profond fossé, empli d'une eau morte, la cerne entièrement...//...Formant au centre de la salle, une sorte d'ile. » (T2 P 40 2 & 3)
Ayant à la suite d'Olrik emprunté le chemin des pilleurs de tombes Blake et Mortimer se trouvent position de voyeurs mais ne franchisse pas l'ultime cercle de protection ne commette pas l'ultime transgression au contraire d'Olrik (« penché sur le sépulcre violé, Olrik s'affaire » (T2 P 40 3)) qui sera plus loin puni par le cheik.
Faute de pouvoir percevoir le sacré Olrik s'est opposé à la loi du père, en cherchant à voler les bijoux de la momie royal il ainsi révèle son désir de supplanter le père dans l'amour de la mère . Le châtiment du fils prendra la forme d'une castration absolue Olrik est totalement privé de son identité après qu'il est tenté l'ultime transgression en voulant transpercer la momie du Pharaon avec une hache. (Olrik deviendra dans l'aventure suivante le véritable jouet du père cf : La marque jaune)


T2 P 47 3/2 :
Cheik Abdel Razek : « Que ton nom ne soit plus »
Blake et Mortimer ne franchissent le fossé qui les sépare de la chambre funéraire que sur l'invitation du Cheik.
La figure paternelle se divise en 2 :
– Une part immobile lointaine indépassable et siège de toute puissance qui s'incarne dans la momie du pharaon dieu.
– Une part humaine temporaire s'incarnant dans le Cheik Abdel Razek qui s'inscrit dans les mouvement du temps et vis à vis duquel les fils peuvent entrer en concurrence et qui fait office de passeur entre les différents ordres.


Les deux figures sont étroitement associé et aucuns conflits ne les divisent comme en témoigne l'image du Cheik en majesté à la toute fin de l'aventure (T2 P 56).
Cette image harmonieuse est présenté comme un idéal son inscription dans un espace temps plus ou moins fantasmagorique laisse craindre que l'auteur ne considère ce temps comme déjà révolue à l'instar du mode de vie aristocratique qu'affecte Mortimer au début de l'aventure. E.P.Jacobs reviendra sur cette confrontation paternel dans la suite de son œuvre.


Mortimer en concurrence avec les pères au quotidien.


Les 3 figures repérées (le professeur Ahmed Rassim, le commissaire Kendal, le docteur Grossgrabenstein) portent des titres qui illustre une position sociale prestigieuse et occupent des fonctions qui permettent au héros Mortimer de se mesurer à eux.


Le professeur Ahmed Rassim.
Est un archéologue prestigieux devant lequel Mortimer expose son érudition et le professeur lui répond "élève Mortimer vous auriez dix". En même temps ce chef (il dirige le musée du Caire) est un souverain fragile car trahi par son assistant.


Le docteur Grossgrabenstein richissime archéologue excentrique il n'est pas possible pour Mortimer de s'attacher à lui d'autant qu'en usurpant son identité Olrik en fait l'instrument du mal.
Le commissaire Kendal.


A l'instar du professeur Ahmed Rassim et de l'archéologue Grossgrabenstein, le commissaire Kendal peut s'interpréter comme l'incarnation d'une figure paternelle quotidienne.


– A l'instar des deux autres son uniforme de modèle européen opère une rupture vis à vis du passé immémoriale de l'égypte. Le fez (coiffure symbole de la révolution turque menée par Mustapha Kemal) qu'il arbore correspond à un signe d'acculturation volontaire vis à vis d'une culture ancestrale.
– Sa fonction policière, souligné par l'uniforme, l'assimile psychologiquement à une fonction d'interdit de type surmoïde. C'est un personnage rigide qui ne transige pas et qui incarne la fonction répressive de la loi. Il s'attache aux apparences.


Vis à vis de ce personnage Mortimer entre immédiatement dès la première rencontre il lui impose une stratégie pour découvrir la vérité. cache une partie des faits pour mener sa propre enquête.

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le 26 mars 2019

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