Le Port des Marins Perdus: un roman graphique plein de souffle

L’histoire démarre par un naufrage. En 1807, un jeune garçon est recueilli sur une plage du Siam par le capitaine Roberts, premier officier sur la frégate britannique HMS Explorer. D’où vient-il? Où est le reste de l’équipage de son bateau? Est-il le seul survivant? Impossible de le savoir, car le jeune naufragé a perdu la mémoire. Il ne se souvient que de son prénom : Abel. Le garçon ne manque en tout cas pas de ressources. Il sait lire, il joue du violon, il a le pied marin et en plus, il est souriant et volontaire. Autant dire qu’il ne tarde pas à se lier rapidement d’amitié avec l’ensemble de l’équipage de l’Explorer, et plus particulièrement avec Roberts. Celui-ci est devenu le capitaine du navire depuis que le commandant Stevenson, pourtant aimé de tous, a trahi son équipage et son pays en s’enfuyant avec le butin du Cartagena, un navire capturé par l’Explorer. Une disparition incompréhensible, tant le commandant Stevenson paraissait être un homme loyal et irréprochable. De retour en Angleterre, Roberts confie Abel à Helen, Heather et Harriet, les trois filles de Stevenson. Depuis la fuite honteuse de leur père, toute la ville de Plymouth leur tourne le dos et plus personne ne vient manger dans leur auberge. Ce qui n’empêche pas Roberts de continuer à rêver d’épouser Helen. Il espère que son nouveau statut de commandant va la convaincre de dire oui mais hélas pour lui, elle reste plus que jamais insensible à ses avances. Abel, de son côté, est accueilli à bras ouverts par les trois filles et ne tarde pas à devenir comme un frère pour elles. Ou comme un père? Alors que la mémoire lui revient peu à peu, le jeune homme se rend compte en effet qu’il partage beaucoup de points communs avec le commandant Stevenson, dont le prénom était également Abel… Et si la clé de son amnésie se trouvait dans ce lien entre lui et l’ancien commandant de l’Explorer? Pour le découvrir, Abel va passer beaucoup de temps au « Pillar to Post », la maison close du coin. Non pas pour les raisons qu’on imagine, mais pour lire de la poésie pendant des heures et des heures à la flamboyante rousse Miss Riordan, la tenancière de cet endroit particulièrement apprécié des marins. Celle-ci semble être la seule à comprendre son secret. D’ailleurs, elle et lui sont les seuls à Plymouth à apercevoir au loin une île invisible pour les autres habitants de la ville: le fameux Port des Marins Perdus…


Amateurs de romans d’aventure, réjouissez-vous! Dans « Le Port des Marins Perdus », le couple d’auteurs italiens Teresa Radice (au scénario) et Stefano Turconi (au dessin) ont rassemblé tous les ingrédients qui composent les meilleures histoires, ceux qui font qu’on ne lâche pas un livre des mains avant d’en connaître la fin. Suspense, trahisons, passions, humour… tout y est! « Le Port des Marins Perdus » est un récit marin au souffle qui décoiffe. Au début, il faut bien reconnaître que le graphisme de cette BD a de quoi désarçonner, puisque tous les dessins sont en crayonné, mais après à peine quelques pages, on oublie ce détail. L’histoire et les dialogues sont en effet tellement bien ficelés que l’on plonge sans réserves dans le récit. Mélange de « L’île aux trésors » et de « Pirate des Caraïbes », le roman graphique de Teresa Radice et Stefano Turconi a une vraie puissance littéraire. Tour à tour, le lecteur est émerveillé, effrayé ou ému par les aventures d’Abel, qui s’avère être un petit gars pas comme les autres. La réussite de cet album est d’autant plus étonnante que le couple Radice-Turconi s’était surtout fait connaître jusqu’ici pour des contributions à « Topolino », la version italienne du « Journal de Mickey ». Avec « Le Port des Marins Perdus », ils ont décidé de changer de cap et d’explorer des nouveaux territoires inattendus. On ne peut que s’en réjouir! A noter que cet album a reçu le prix du meilleur roman graphique au festival de Lucca 2015. Il y a fort à parier qu’il raflera d’autres prix dans les mois à venir, tant c’est l’un des incontournables de cette année.


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matvano
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le 13 juin 2016

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