Je le dis tout net, je n'ai pas saisi grand choses du contenu de certains tomes de la série "Grant Morrison présente Batman". Les idées fusent, l'audace narrative éclate, mais souvent le lecteur est perdu, frustré, ou simplement perplexe. Une deuxième lecture peut permettre de prendre du plaisir. Parfois, rien n'y fait. Mais quoiqu'on en pense, le grand mérite (et la grande chance) de Morrison est d'avoir pu s'emparer d'un personnage et d'une série-phare du monde ultra-mercantile des comics et d'avoir pu en faire un monstre littéraire exigeant et sans concessions s'étalant sur environ 8 ans, exploit en soi remarquable tant cette industrie avide de consensus peut être dure envers ses électrons libres.
Le retour de Bruce Wayne a la réputation d'être une mini-série ardue, imperméable aux lecteurs lambdas - bref une œuvre archétypale de Morrison. J'en ai donc bêtement repoussé la lecture, échaudé par certains arcs narratifs qui m'ont franchement ennuyé. "Bêtement", c'est vraiment le mot ; certes, de menus détails concernant le plan machiavélique de Darkseid me paraissent toujours flous ; bien sûr, la logique de la progression de Bruce à travers le temps m'échappe un peu. Mais rien de tout ça n'entrave le plaisir de cette lecture. Au contraire, on se laisse porter par ces mini-histoires qui s'insèrent dans la grande histoire de Gotham City et de son héros, on sourit devant les différentes itérations du héros, tour à tour pirate, cow-boy masqué ou chef de clan préhistorique, et, plus important peut-être, on se prend à saisir certains aspects précédemment abscons des tomes précédents.
C'est peut-être en effet la plus grande réussite de cette mini-série, par ailleurs superbement illustrée par 5 artistes différents, que de nous faire sentir moins idiots, et de nous donner envie de replonger dans les eaux noires de la saga de Batman narrée par Morrison, et d'accepter que nous ne serons jamais aussi intelligents et perspicaces que le chevalier noir.