Je ne suis pas du genre à donner une prime à l'originalité par principe. Je ne vais pas mettre par principe 8 à une oeuvre qui parle de merveilleux juste parce qu'elle se situe en-dehors des codes de l'heroïc fantasy. J'aime aussi comprendre ce que je lis.

Le livre est en deux parties : au début, des enfants. Il y a la bande de voyous cruels et les trois innocents : la fille fascinée par la lune, Artemisia, le gamin qui communique avec les animaux, Brindille et le petit. Il y a une sorte de chasse au talisman dans la forêt au cours de laquelle le petit tombe dans un puits réputé habiter un monstre et meurt noyé.

Ellipse. Le chef des voyous, Rufo, est devenu un fasciste exploiteur (très original, ça...). Le crétin du village au flair hyperdéveloppé, Pif, est devenu son souffre-douleur soumis. La tension monte jusqu'au dénouement : Rufo meurt et Brindille obtient un téléscope pour Artemisia.

Le début était prometteur : la lune, du noir et blanc, un graphisme accrocheur (du Jamie Hewlett en plus enfantin et accessible), des endroits mystérieux comme la tour du fou. L'utilisation du rouge seulement pour le manteau d'Artemisia ; des références au joueur de flûte de Hammeln. Mais j'ai rapidement eu l'impression de perdre mon temps :

- les personnages sont des archétypes. S'il faut un bon méchant pour faire une bonne BD, alors c'est un échec : Rufo est tellement sans nuance, le visage ravagé par la haine, que l'on regarde l'histoire se dérouler en attendant patiemment qu'il reçoive sa punition. J'ai horreur qu'on n'ait d'autres moyens de m'émouvoir qu'en montrant un salaud martyriser gratuitement les autres. S'il s'agit bien d'un conte, pourquoi expliquer que Rufo reproduit la violence de son père sur sa mère et n'accepte pas d'être un bâtard ? ça tue toute réflexion sur le mal.

- Les héros sont tout aussi transparent. Physiquement et mentalement, ce sont des archétypes qui ne savent que geindre. Artemisia perd sa frigidité en regardant la lune, mais pourquoi pousser si loin son aphasie, ses mines de biche traumatisée ? On a déjà compris que Rufo était méchant, pourquoi ne pas développer le thème de la contemplation de la nature, qui aurait posé une alternative ? De même, le personnage du poète itinérant, sans doute le plus intéressant, aurait mérité d'être bien davantage développé.

- Il y a des trous dans le scénario : quid de la relation entre le poète et la guérisseuse ?

Un conte ne peut se contenter d'une atmosphère, il doit avoir un dénouement et une fin, et son intrigue ne peut se résumer à "Il y a un salaud, il doit payer vu comme il fait souffrir tout le monde". C'est malheureusement le seul message clair qui se dégage de ce livre. Un lecteur cultivé et averti ne peut se résoudre à ce genre de niaiseries.
zardoz6704
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le 17 juil. 2013

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zardoz6704

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