Et la comédie humaine... continue.

Cette bande dessinée met en scène la légende d'une ville d'Angleterre. A Hartlepool, on a jamais vu de singe; pas plus que des français. Mais comme ils sont français, ils sont forcément moches et méchants et fourbes. En 1814, un navire français échoue sur la plage de ce petit village. Seul survivant: un singe. Oui mais attention! Il porte un uniforme français! Puisque qu'on a repêché une chose hideuse avec un uniforme français, alors c'est un français. Il ne veut pas parler? Alors c'est un espion, et il doit être jugé.

A travers la légende on traite ici d'un sujet sensible, le préjugé. Les auteurs passent par une légende et la revisitent d'une manière assez habile. Je m'explique: avec notre regard du XXIème siècle, nous savons du premier coup d’œil que le principal intéressé est un singe; or, les personnages de l'époque ne s'en doutent pas et l'histoire va jusqu'au bout. Et c'est ce qui fait la force de ce scénario: tout le long du livre on hurle intérieurement "mais c'est juste un singe!", puis on est abasourdi par la bêtise des habitants du village. Le singe n'est plus un animal, c'est juste quelque chose qui porte un vêtement affilié à la France, et pour cela il doit être méprisé. Parce qu'on nous a dit "l'ennemi est méchant"; alors qu'en vrai, ils n'en ont jamais rencontré. On a pitié du pauvre singe, victime tour à tour des braconniers en Afrique, puis des négriers et des officiers français, et enfin des habitants d'Hartlepool. Bref, il est victime des hommes.

Cette distance, elle amplifie le message du texte: on est obligés d'y assister, jusqu'au bout, impuissants. Malgré un petit twist de fin presque évincé par l'histoire du singe, on garde un très bon souvenir de cette BD un peu triste et de son message, qui prouve que l'Homme n'a pas changé depuis deux siècles.