Je relis régulièrement Le Sommeil du Monstre, et plus je le lis,plus je trouve qu'il a quelque chose de prophétique sur bien des aspects. Notamment après le 11 septembre 2001. Déjà, dans l'ouvrage, il y a un attentat sur la Tour Eiffel.
Plus troublant encore : si vous lisez les petites lignes sur la page de gauche,avant le début de l'histoire , vous pouvez voir qu'il a été achevé d'imprimer et que le dépôt légal a été déposé en septembre 1998, soit trois ans avant les attentats du World Trade Center. C'est effrayant, quand on y pense maintenant...Même si ce n'est qu'un hasard. Mieux encore, l'organisation équivalent d'Al Qaeda s'appelle Obscurantis Order, qui est une organisation intégriste et terroriste, prônant une religion radicale.Une double page au centre de l'ouvrage nous décrit les actions de cette organisation intégriste du futur. Au début, Nike, le héros, se trouve à New York.
Voici pour les éléments les plus évidents. J'adore cet ouvrage, mais il a un fond tout de même terrifiant si on le met en rapport avec le monde réel...
Donc, dans ce roman graphique, nous sommes en 2026. Nike Hatzfeld est un orphelin de Sarjevo né en 1993 en plein dans le conflit qui a déchiré la Yougoslavie. Il possède une mémoire phénoménale et tente de remonter jusqu'au jour de sa naissance, et veut dans le même temps, retrouver Leïla et Amir, les deux bébés qui étaient avec lui à l'hôpital et qu'il a juré de protéger. Tout l'ouvrage est articulé sous forme de compte à rebours des 18 premiers jours de vie de Nike.Mais il ne sait pas encore qu'il est recherché par une organisation obscurantiste.
Ce qui frappe, c'est la noirceur qui se dégage du livre. Avec la guerre de Yougoslavie en toile de fond. C'est construit de façon magistrale, bien écrit et on est happé par l'histoire, qui est contée de trois points de vue différents. C'est aussi une dénonciation de certaines dérives, notamment scientifiques, avec le clonage, mais aussi du terrorisme ou des armes de guerre. Le fait qu'il s'agisse du conflit des Balkans n'est pas anodin : Enki Bilal est né à Belgrade et son père est Bosniaque, je comprends qu'il ait voulu dénoncer ce conflit, celui du pays qui l'a vu naitre. Une façon sans doute pour lui, d'exorciser ses démons, ses blessures intérieures, d'où le titre.Nike est aussi le prisme par lequel il réussit cela. Faites donc l'anagramme des prénoms...C'est un livre dédié à la mémoire, mémoire du monde, mémoire collective et individuelle. C'est ce qui fait que nous sommes uniques... mais surtout, pour ne pas oublier. L'amnésie est suicidaire et peut mener à ce mal qu'est l'extrémisme.
J'ai acheté ce livre dès sa sortie. Trois ans avant, on ne pouvait prédire les attentats du World Trade Center. Et pourtant... C'est d'autant plus prédictif qu'à la fin, lorsque Nike remonte au jour de sa naissance, il y a écrit : "Et c'est la chute..." C'est ce qui est arrivé aux Tours Jumelles...
Si vous n'avez pas lu ce roman graphique, je vous conseille très vivement de le faire. Comme je vous le dis, avec les évènements qui se sont passés depuis dans l'histoire du monde, sa profondeur n'est que plus grande encore.